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Le siècle des… lumières !

Stephen Kerckhove

Insidieuse mais néanmoins très présente, la pollution lumineuse a réussi le tour de force d’éteindre la nuit. Près de 80 % des humains vivent à proximité d’une lumière artificielle et un tiers de la population mondiale peine à discerner la voie lactée. En ville, seule une vingtaine d’étoiles peuvent être aperçues, gommées par un halo lumineux diffus. La magie d’une nuit étoilée, ses constellations, son clair de Lune, ses étoiles filantes ont subrepticement disparu sous l’effet d’une lumière blafarde, supposée rassurante.

Des coûts « astronomiques » !

En à peine deux décennies, la quantité de lumière diffusée a littéralement explosé. Le nombre de points lumineux a ainsi cru de 89 % pour représenter plus de 11 millions de lampadaires et 3,5 millions d’enseignes et pré-enseignes publicitaires ! Dans certaines communes, le coût électrique de l’éclairage public peut dépasser la moitié de la facture. À l’heure où un État sans le sou cherche à faire des économies, réduire ce gaspillage énergétique est sans doute un moyen assez simple de limiter les dépenses des collectivités locales.

Une faune désorientée

Cette explosion de lumières n’a pas seulement pour effet d’accroître nos consommations d’énergie. Elle va déstabiliser la faune nocturne, peu habituée à ce jour perpétuel. C’est ainsi que les pollinisateurs, déjà fortement atteints par l’utilisation des insecticides néonicotinoïdes, vont chercher à éviter les lieux sur-éclairés. Une étude franco-suisse a même mis en évidence le fait que dans 63 % des cas, la visite des insectes pollinisateurs baissait à proximité des sites éclairés, entraînant une baisse de la production des fruits de 13 % !
Fort·es de ce constat, État et collectivités multiplient les réglementations en oubliant de contrôler et sanctionner les illuminé·es du productivisme. Alors que depuis le 1er juillet 2018, enseignes publicitaires, magasins et autres bureaux doivent éteindre leur éclairage entre 1h et 6h du matin, la quantité d’infractions relevées démontre que certains acteurs économiques estiment désormais que la loi est facultative et son respect optionnel…
À l’approche des fêtes de fin d’année, nous allons encore assister à la multiplication de points lumineux, supposée booster la croissance et apporter le bonheur marchand. Avec une étonnante facilité, cette lumière sirupeuse va amplifier les pics de consommation électrique, dont le bilan carbone est exécrable. Chaque kilowattheure consommé durant la pointe électrique va entraîner le rejet de 500 à 600 grammes de CO2 !

S’émerveiller en levant les yeux

La dernière éclipse de Lune, le succès de la nuit des étoiles filantes et du Jour de la Nuit, démontrent pourtant que des milliers de « veilleuses et veilleurs de nuit » sont encore prêt·es à s’émerveiller en osant simplement lever la tête. Les pieds sur terre et des étoiles dans les yeux, des milliers de citoyen·nes se retrouveront le samedi 13 octobre pour fêter la dixième édition du Jour de la Nuit (1). Cette fête de la nuit noire rassemble chaque année des centaines d’animations, sorties nature, observations des étoiles et extinctions de l’éclairage public. Gratuites, ces animations sont ouvertes à toutes celles et tous ceux qui savent profiter du spectacle de la valse des étoiles et de ces bonheurs simples que nous offre le cache-cache ancestral de la terre et du soleil.

(1) www.jourdelanuit.fr

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