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L’arbre : une clef pour le climat

Daniel Hofnung

L’arbre, l’évaporation, le sol jouent dans le climat un rôle déterminant, qui dépasse largement la question des émissions de gaz à effet de serre habituellement mise en avant.

L’arbre peut contribuer à la solution de la crise climatique et au renouveau de notre planète par sa présence dans les villes, les champs, les prairies et les forêts. Voici quelques pistes explicatives.

La sécheresse, conséquence de la déforestation

Les arbres, par les stomates des feuilles, évaporent entre la moitié et les trois quarts de la pluviométrie annuelle (environ 72 % des précipitations pour une forêt de feuillus en plaine tempérée, mais 1 530 mm d’eau par an dans une forêt tropicale humide pour 73 % d’évaporation) : c’est l’évapotranspiration. Ils contribuent ainsi largement aux précipitations, à travers un cycle de l’eau local. Le débit de vapeur d’eau envoyé dans l’atmosphère par la forêt amazonienne dépasse même celui de l’Amazone. Il génère des « fleuves aériens de vapeur » qui contribuent à l’humidité et aux pluies de tout le versant est de la cordillère des Andes et a même un effet sur les pluies du Texas. La déforestation a été la cause de la pénurie d’eau à São Paulo en 2014, avec des barrages à sec.

La fraîcheur de l’arbre

Outre l’humidification de l’atmosphère, l’évapotranspiration a un autre effet : elle la rafraîchit par la « chaleur latente d’évaporation ». C’est la fraîcheur que vous sentez dans une forêt par une journée d’été, où l’arbre joue un rôle de climatiseur naturel qui prend de la chaleur là où a lieu l’évaporation (sur les feuilles ou le tronc des arbres) pour la libérer dans les nuages, où la condensation donne ensuite la pluie : l’augmentation de la température, au lieu d’avoir lieu près du sol, atteint l’air de la haute atmosphère. L’arbre, la forêt, diminuent ainsi les températures extrêmes, modèrent, égalisent le climat.

Aérer, nourrir et humidifier le sol

Des racines profondes, les racines-pivots, atteignent parfois la roche-mère, qu’elles contribuent à dégrader en argile. Elles conduisent l’eau en excès vers les nappes phréatiques. En période de sécheresse, elles l’attirent vers les racines superficielles, ce qui peut servir aux plantes voisines. Les racines mortes, dégradées par les micro-organismes du sol, forment des tunnels qui aèrent le sol et y favorisent la pénétration de l’eau. Les vers de terre y font circuler l’humus de surface et l’argile de profondeur, contribuant à la formation du sol.
L’humus, riche en carbone, contribue au stockage de carbone dans le sol, donc à la réduction du CO2 atmosphérique, puisque le bois en est issu. Un sol enrichi en carbone absorbe et stocke mieux l’eau de pluie. Un pour cent de carbone en plus dans le sol permet à celui-ci de stocker 190 000 litres d’eau par hectare.

Le cas des villes

En ville, où l’imperméabilisation des sols est générale, l’eau est évacuée par les réseaux d’assainissement. Les arbres qui subsistent en zone urbaine doivent se contenter de trous insuffisants, où l’eau s’infiltre à travers une grille… quand l’asphalte ne va pas jusqu’au tronc. Le rayonnement solaire sur les surfaces minérales (rues, murs, toits) se transforme en chaleur sensible, en réchauffement. Ainsi, la température de la ville augmente : c’est l’effet d’« îlot chaud urbain », avec
4 °C de plus que la campagne voisine, voire 5 °C et même 10 °C dans certaines mégapoles comme Tokyo. Pourtant, l’arbre en ville rend de multiples services, en humidifiant l’air et le rafraîchissant.
Augmenter la surface de canopée est une première mesure pour rendre le climat de la ville plus agréable, afin d’augmenter l’ombre et l’évaporation des arbres. Favoriser l’infiltration des eaux de pluie dans le sol en est une autre, avec les « jardins de pluie » où des noues (1) collectent les pluies, des fossés enherbés ou plantés se remplissent au gré des précipitations puis se vident naturellement. Des tranchées drainantes ou infiltrantes, des puits d’infiltration recueillent les eaux de toiture ou le trop-plein des terrasses végétalisées. On peut parvenir ainsi à 100 % d’infiltration des eaux de pluie, avec des immeubles ou des bâtiments d’activités. L’écoquartier de Bonne, à Grenoble, en est un exemple parmi beaucoup d’autres.

La reforestation comme solution
De nombreux glissements de terrains meurtriers sont liés à la déforestation : les terres, qui ne sont plus maintenues par les arbres, sont emportées, comme à Freetown (Sierra Leone) en 2017 — 500 personnes enterrées. Il y eut autant de disparu·es, la même année, au Congo, sur les rives du lac Albert, ou en Indonésie. En Haute Provence, au 19e siècle, la déforestation avait laissé des terres désolées, battues par le vent, des villages en ruine, des sources taries. La reforestation assurée par l’Office national des forêts, décrite sous forme de fable par Jean Giono dans L’Homme qui plantait des arbres, a permis le retour de la biodiversité et des sources.

Le poids des arbres sur le climat

En 2006, il ne restait dans le monde que 39, 5 millions de km² de forêts, soit 26,4 % des terres. La déforestation, hélas, continue : la perte nette de forêt (déforestation moins reforestation), qui atteignait 89 000 km² par an de 1990 à 2000, a été d’environ 72 000 km² par an de 2010 à 2015 (2). Au temps où l’humain était chasseur-cueilleur, environ 60 % des terres émergées étaient occupées par des forêts. A partir du néolithique, pour développer l’élevage et l’agriculture, puis les villes, l’espèce humaine a massivement défriché et déforesté, mais la déforestation ne s’est intensifiée qu’à partir de la deuxième moitié du 20e siècle. Son ralentissement récent ne change pas le phénomène global. Ne serait-ce pas une des principales raisons du dérèglement climatique ?

(1) Une noue est un fossé peu profond et large, végétalisé, qui recueille provisoirement de l’eau, que ce soit pour l’évacuer via un trop-plein, l’évaporer (évapotranspiration) ou l’infiltrer sur place, permettant ainsi la reconstitution des nappes phréatiques.
(2) La déforestation la plus importante a eu lieu au Brésil (8 940 km2 par an), puis en Indonésie. Certains pays ont reforesté, le plus important étant la Chine (40 000 km² par an), mais toujours dans un but d’exploitation forestière.

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