Chronique Chronique : Un lieu à soi Femmes, hommes, etc.

Un sanctuaire vegan et féministe en Nouvelle-Zélande

Constance Rimlinger

Quand le féminisme, la lutte contre le gaspillage et la cause animale avancent main dans la main.

À une heure de Wellington, un couple de deux femmes militantes pour la cause animale fait vivre un sanctuaire recueillant des animaux d’élevage. Elles sont aidées au quotidien par un petit groupe de volontaires, allant de deux à huit personnes selon les périodes de l’année, et étant composé le plus souvent de routard·es venu·es en Océanie pour travailler, faire du wwoofing et voyager.
Il est 17h, le soleil commence à disparaître derrière les vertes collines néo- zélandaises en cette journée d’hiver, et Larry, Dorris et Squeaky grognent d’excitation en sentant l’odeur du repas qui approche. Larry est un petit kunekune – une race locale de cochons domestiques – abandonné par ses propriétaires. Dorris est une grande truie rose au regard doux, née dans un élevage industriel. Quant à Squeaky, elle a commencé sa vie dans un mini-zoo.

Échappé·es de justesse à l’abattoir

Les trois animaux ont échappé de justesse à l’abattoir et font aujourd’hui partie des deux cents pensionnaires qui coulent des jours paisibles au sanctuaire vegan.
Les cagettes pleines de légumes, de fruits et de riz, qui vont leur être apportées d’une minute à l’autre par l’un des volontaires, sont intégralement constituées de restes encore consommables récupérés dans les poubelles de plusieurs grandes surfaces environnantes. Alors que le « glanage alimentaire » est parfois découragé par le verrouillage des poubelles ou l’étalage de produits toxiques, ces supermarchés ont passé un accord avec le sanctuaire, voyant un avantage dans la réduction de leur quantité hebdomadaire de déchets. Près de 750 kilos de nourriture sont ainsi collectés chaque semaine, triés par les volontaires et distribués aux animaux.
La plus grande part des frais de fonctionnement – notamment les frais vétérinaires qui peuvent s’avérer élevés comme un certain nombre d’animaux sont malades, âgés ou handicapés – sont couverts grâce à l’argent généré par un réseau de trois magasins de seconde main. Ce système permet au sanctuaire de ne pas être dépendant des dons, tout en encourageant une consommation plus responsable. Que ce soit par rapport aux produits animaux ou à la production industrielle de vêtements dans des conditions critiquables sur le plan éthique et environnemental, l’idée est la même : dans une société capitaliste, le pouvoir du consommateur repose sur l’argent dépensé ou non. Dans ces boutiques, nul T-shirt sexiste ou décoration pseudo-maori : l’équipe du sanctuaire est en effet très vigilante vis-à-vis des stéréotypes en tous genres et de l’appropriation culturelle. Sur le comptoir, des stickers, badges et flyers visent à sensibiliser aux différents types d’oppression (sexisme, racisme, homophobie et transphobie...) et à encourager un changement des mentalités.

Sensibilisation aux droits humains et animaux

Toujours dans une optique féministe, les femmes sont encouragées à se saisir des outils et à s’atteler aux travaux de construction lorsque des enclos ou des abris doivent être construits ou réparés. Alors que le bricolage ou l’entretien des véhicules ne font généralement pas partie de la socialisation féminine, l’absence de jugement et l’encouragement par les pairs doivent ici permettre à celles qui le souhaitent d’élargir leurs compétences.
L’éducation jouant un rôle clef dans le changement des comportements, l’équipe du sanctuaire envisage dans le futur de mettre l’accent encore davantage sur la sensibilisation aux droits humains et animaux. En attendant, cela fait bientôt dix ans que cette initiative illustre quotidiennement la possibilité de mener plusieurs combats en même temps.


Chaque mois, retrouvez dans cette chronique un lieu habité dans un esprit féministe.

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