Chronique Chroniques Terriennes Politique

La vacance de M. Hulot

Stephen Kerckhove

Plus d’un an après la nomination de Nicolas Hulot en tant que ministre de la Transition écologique et solidaire, la liste des renoncements s’allonge. Ne rien attendre et être finalement déçu·e n’est pas le moindre des paradoxes. Mais l’état de la planète, les menaces climatiques, l’effondrement des écosystèmes nous invitent à garder l’espoir d’un sursaut vital, et ce malgré l’évidence d’un rapport de force défavorable et d’une orientation politique faisant la part belle aux « destructivistes ».

Des ministres de l’écologie tenus en échec

Mais l’échec de Nicolas Hulot n’est malheureusement pas celui d’un individu. Il serait trop simple de croire qu’en le remplaçant par un autre, la situation serait différente. C’est tout un système qui est en cause, une incapacité à lire le jeu d’act·rices et établir un rapport de force pesant sur les thuriféraires du système libéral.
Faute d’oser construire et assumer une radicalité écologique, les ministres de l’Écologie succombent successivement au syndrome de la plante verte. Au mieux, le ou la ministre est appelé·e à faire de la figuration ; au pire à justifier sous un verbiage vert pale des renoncements divers et variés.
Avec Nicolas Hulot, nous avons franchi un cap, celui d’une écologie télévisuelle qui simule une fausse radicalité sans en avoir sérieusement les attributs. Faute d’ancrage territorial et de relais locaux, c’est un homme seul ; seul face à la société du spectacle qui se délecte de ce vide télévisuel. Lorsqu’une personnalité publique accepte des responsabilités institutionnelles, elle renonce à sa part d’autonomie et d’exigence pour négocier des compromis. Quel que soit le degré de radicalité du ou de la ministre, si ce·tte dernier·e est seul·e face à l’institution, il ou elle sera rapidement frappé·e d’apoplexie. C’est ce qui arrive à Nicolas Hulot, incapable de construire un rapport de force en s’appuyant sur un mouvement écologique déterminé.

Reconstruire un rapport de force écologique

De fait, l’échec de Nicolas Hulot nous renvoie à l’atonie du mouvement associatif, appelé à négocier sans fin des grenelles, conférences environnementales, états généraux, assises, etc. Et pendant que les négociat·rices négocient, la base se désespère et les oiseaux ne chantent plus. L’heure est à la construction d’un véritable rapport de force, adossé à un vaste mouvement social fort de plusieurs dizaines de milliers d’adhérent·es. Sans majorité culturelle, sans base mobilisée, ministres et responsables associati·ves ne sont rien ; perdu dans les méandres du labyrinthe institutionnel, le mouvement associatif s’assèche. Comme le veut la formule, « on a souvent tort d’avoir raison tout seul ».
L’échec était donc prévisible car la personne providentielle n’existe pas. Même si ce personnage médiatique était sincère et déterminé, il ne peut rien face à la puissance du système capitaliste. Faute d’oser formuler ce diagnostic, nous sommes condamné·es à aller de déception en déception. L’heure est à la reconstruction d’une écologie populaire enracinée et prête à engager le fer. Sans cette première étape, le sommet continuera à négocier sans base mobilisée et persistera à cantonner l’écologie à sa version édulcorée, allégé en radicalité ; inefficace mais vu à la télé.


Agir pour l’environnement, 2 rue du Nord, 75018 Paris, www.agirpourlenvironnement.org.

Silence existe grâce à vous !

Cet article a été initialement publié dans la revue papier. C'est grâce à vos abonnements et à la vente de la revue que nous pouvons continuer à proposer des alternatives à la société consumériste et destructrice actuelle. Sans publicité, sous forme associative, notre indépendance et notre pérennité dépendent de votre engagement humain et financier !

S'abonner Faire un don Participer