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Emmaüs Lescar-Pau. Le compagnon, la ruche et l’utopie de Denis Lefèvre

Michel Bernard

Germain Sarthy lance la communauté d’Emmaüs de Pau en 1982. Comme toutes les autres, elle accueille initialement les cassé·es de la vie et vit grâce à une activité de recyclerie. Mais cette communauté va connaître une évolution remarquable en s’ouvrant progressivement à différentes approches plus ou moins utopiques, plus ou moins militantes. Des échanges avec des villages burkinabés permettent la découverte de l’agroécologie prônée par Pierre Rabhi, puis la lutte du Larzac contre la malbouffe et le procès de José Bové les rapprochent de la Confédération paysanne. Les actions contre la marchandisation du monde les rapprochent des altermondialistes puis de Bizi et Alternatiba. Sur le terrain de la communauté, cela se traduit par l’organisation de conférences, puis de fêtes, puis d’un festival (qui draine aujourd’hui chaque été autour de 20 000 personnes), l’achat de terres agricoles pour développer le maraîchage biologique et bien se nourrir. La communauté monte un plan d’autoconstruction de maisons pour les compagnon·nes sans permis de construire. Elle porte des actions politiques avec la venue sur place d’Evo Morales, président de Bolivie et un discours sur le « bien vivre » très différent du « vivre mieux » occidental qui incite à toujours consommer plus. Ce « bien vivre » est en pratique une « sobriété heureuse » qui attire de plus en plus de monde et qui fait qu’aujourd’hui, Lescar-Pau est devenue la plus importante communauté d’Emmaüs qui salarie 16 personnes et regroupe 130 « compagnons », hommes (en majorité) et femmes, 27 ateliers de réparation, un restaurant, une crêperie, un bar et même des chambres d’hôtes. L’activité de recyclerie, en offrant des revenus au groupe, permet d’investir dans de nouveaux projets (et également de soutenir financièrement de multiples causes). Un bout d’utopie réaliste qui attire aujourd’hui bien plus largement que les simples accidenté·es de la vie. Ce livre qui donne la parole aux compagnons et compagnonnes, bénévoles et salarié·es montre qu’avec de l’audace, même avec des personnes a priori au départ en difficulté, on peut aller très loin dans les démarches alternatives. Seul regret : l’absence de photos.

Préface de José Bové, éd. Privat, 2018, 280 p., 18 €

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