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Nanos partout…

Stephen Kerckhove

Les technologies de l’infiniment petit se sont introduites subrepticement dans une quantité impressionnante de produits de consommation courante. Dans l’alimentation, les cosmétiques ou les médicaments, ce sont plusieurs milliers de produits contenant des nanoparticules de titane, de silicium, argent, carbone qui ont été identifiés.
Dix mille fois plus petites qu’un grain de sable, les nanoparticules franchissent allègrement les barrières physiologiques et de nombreux scientifiques n’hésitent plus à comparer ces particules aux fibres d’amiante ! Les apprenti·es sorcièr·es de la nano-malbouffe nous prennent pour des cobayes.

… justice nulle part !

Depuis plus de deux ans, Agir pour l’Environnement a mis en évidence (analyses à l’appui) la présence de dioxyde de titane et dioxyde de silicium dans certains produits alimentaires à l’échelle nanométrique. L’association a mis en ligne un site (infonano.org) référençant plus de 300 produits alimentaires susceptibles de contenir des nanoparticules. Or, l’introduction de nanoparticules doit faire l’objet d’un étiquetage informant les consommat·rices de leur présence. Après enquête, il s’avère qu’aucun produit alimentaire utilisant les additifs suspects E171 (titane) ou E551 (silicium) n’affiche la fameuse mention [nano] alors même que la quasi-totalité des analyses effectuées ont permis de mettre en évidence le caractère nanométrique de ces additifs. L’illégalité est avérée mais elle persiste sous le regard attentiste de la répression des fraudes qui enquête… depuis plus d’un an et demi ; en oubliant soigneusement de sanctionner les industriels !

Un moratoire, vite !

Cette situation illustre parfaitement l’atrophie de l’État au sein duquel le contrat se substitue à la loi. Certains industriels, pris la main dans le pot de nanos, s’engagent discrètement à retirer les additifs incriminés. L’État, supposé protéger et faire respecter les lois, assiste passivement à des cas avérés d’illégalité en attendant qu’un rapport de force (éventuel) influe sur la stratégie des acteurs privés. Pendant ce temps, les consommat·rices ingèrent des nanoparticules. La main invisible du marché, supposée aboutir à un équilibre idéal entre act·rices aux intérêts divergents, étrangle surtout celles et ceux qui ne peuvent se libérer de la pression publicitaire, celles et ceux qui n’ont pas le temps d’enquêter ou de lire des étiquettes.
Au final, ce sont les associations qui doivent avec leurs modestes moyens alerter et tenter d’imposer via des analyses et procédures judiciaires longues, coûteuses et toujours incertaines le respect de la loi !
L’heure est venue de réaffirmer un certain nombre de principes, notamment en matière de sécurité sanitaire : l’industrie agroalimentaire, fusse-t-elle puissante, ne peut ni ne doit intoxiquer les consommat·rices. Un étiquetage n’y changera rien ; informé ou pas, un consommateur a le droit de ne pas mettre sa vie en danger en ingérant des substances mal évaluées. Un moratoire sur les nanoparticules doit donc être décidé au plus vite afin de stopper la dissémination de produits toxiques.

Agir pour l’environnement, 2 rue du Nord, 75018 Paris
www.agirpourlenvironnement.org.

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