Dossier Agriculture biologique Alternatives Permaculture

La Rivoire, un centre agroécologique dans le Sud de la Loire

Michel Bernard

Associer la permaculture, l’agroécologie, l’accueil touristique, la formation… le tout dans une ferme magnifique disposant de 58 hectares, c’est le projet d’un groupe récemment constitué autour d’un accueil touristique pré-existant.

Fiche d’identité
Lieu : Saint-Julien-Molin-Molette (mais à l’écart du village) • Date de création : 2014 pour la reprise en gérance du gîte, 2017 pour le projet collectif • Achat en SCIC (28 sociétaires) • Activités professionnelles indépendantes (8 personnes) • Budget d’investissement : 650 000 euros

Alexandra et Guilaume la trentaine, ont tenu une auberge au Mexique pendant deux ans. Après la naissance de leur premier enfant, le couple a eu envie de revenir en France. Il cherche à s’installer en milieu rural et découvre une bâtisse du 16e siècle déjà aménagée en chambres d’hôtes, avec une capacité d’accueil de 15 personnes. Il prend le lieu en location-gérance en 2014. Alexandra fait le tour des product·rices et du voisinage pour se présenter et l’accueil est bon partout. Le bâtiment est loué avec 2000 m² de jardin maraîcher et 25 ha de forêts (qui servent pour le bois de chauffage).

Bourgeonnement de projets

En 2015, l’ensemble du domaine est mis en vente après le départ à la retraite de leur voisin. Il y a 24 ha de terres cultivables en plus, d’un seul tenant, et 400 m2 de bâtiments agricoles. Alexandra et Guillaume lancent alors des appels dans différents réseaux pour s’associer avec d’autres porteurs de projets. Pendant une année, une vingtaine de personnes et de familles viennent sur place, pour des périodes de 1 à 3 mois. Les réunions sont nombreuses et, peu à peu, des projets se mutualisent.
Sur le projet touristique existant (Alexandra et Guillaume) se greffe un projet de maraîchage sur 3 ha et 3000 m2 de serre, mêlant permaculture et agroécologie (Guillaume et Julien), et un autre de paysan boulanger (Cédric). Arrivent ensuite Philippe et Fabienne, paysagistes, avec un projet autour des plantes vivaces et mellifères et, enfin, Michel et Guillaume pour un projet de formation autour de la grimpe d’arbres (éducation à l’environnement, sports et loisirs, sciences) et de la permaculture. Avec les conjoint·es, cela fait un collectif de neuf personnes.

Équilibre entre collaboration et entreprise individuelle

Pour bénéficier des aides à l’installation de jeunes agricult·rices, il est nécessaire d’avoir déclaré cette profession. Chaque activité est donc portée par une ou deux personnes ayant ce statut professionnel, et un collectif permet de se coordonner. Après un appel à financement pendant l’été 2017, les fonds nécessaires à l’achat
de l’ensemble sont réunis : une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) (1) est créée avec 22 sociétaires : les neuf du projet, des parents, des ami·es et une Biocoop locale. Le montage juridique s’inspire de Terre de liens (2). Ce premier groupe, qui permet de réunir environ la moitié du budget, est complété par une convention d’avance remboursable de la communauté de communes de 30 000 euros (sans intérêts) et un prêt de La Nef de 330 000 euros remboursable en 20 ans. Le projet global coûte 650 000 euros. L’ensemble est finalisé en décembre 2017. Parmi les organismes de soutien figurent quatre Cigales (3) présentes dans le mont du Pilat, le parc naturel régional du Pilat et un « conseil des amis du projet ».
La SCIC tient une assemblée générale par an pour fixer les orientations et élire un conseil d’administration (CA) qui vérifie ensuite le respect des engagements. Les statuts précisent que le CA doit comprendre une majorité de travailleu·ses. Un bureau assure le suivi juridique (Julien), l’étude des chantiers et de la communication (Michel) et la gouvernance (Guillaume). Une douzaine de commissions permet d’aborder tous les sujets.
Selon Guillaume, « le but du centre est de créer un lieu vivant, respectueux de la nature, permettant des expérimentations et transmissible aux prochaines générations ». Il est ouvert sur l’extérieur via les chambres d’hôtes, les stages et les loisirs. Pour les activités, le collectif entend s’inspirer du Centre agroécologique des Amanins (4) et de la Ferme du Bec-Hellouin (5). Pour le projet agricole, une journée portes ouvertes est organisée, à laquelle sont convié·es les paysans et les paysannes du voisinage. Une quinzaine d’entre eux ont visité les lieux. L’activité d’hébergement a adhéré au réseau Accueil paysan (6).
Au niveau du logement, pour le moment il n’y a qu’Alexandra et Guillaume qui vivent sur place, mais des négociations ont été réalisées dans le cadre du plan local d’urbanisme pour créer une zone de loisirs, qui permettra dans un premier temps d’accueillir des structures légères (roulottes, yourtes) et, dans un deuxième temps, d’envisager des constructions en dur.

Des accords de paix

Norbert Fond vient sur place depuis maintenant trois ans pour faire des formations en permaculture. Il travaille sur le côté agricole mais englobe aussi des réflexions sur les relations interpersonnelles. Il a ainsi proposé de reprendre une méthode venue des Amérindien·nes : adopter des « accords de paix », chartes de conduite liées à la communication non-violente. Un tel accord repose sur quatre piliers :
• être en paix avec soi-même avant de prendre la parole ;
• utiliser les meilleurs mots pour parler ;
• aller dans le sens de l’unité ;
• si ça ne fonctionne pas, revoir les 3 premiers points.

Développer un réseau ancré localement

Le maraîchage est destiné aux tables d’hôtes, à un marché hebdomadaire sur place et également à fournir deux restaurants voisins et la cantine du Collège du Pilat, qui alimente plusieurs petites écoles voisines et une maison de retraite pour qu’ellespassent progressivement en bio. On envisage d’installer un point de vente léger sur la route importante (Annonay-Saint-Étienne) qui passe à 500 m.
Le fait qu’il y ait déjà deux activités économiques viables (1 000 nuitées par an pour les chambres d’hôtes et stages de permaculture depuis trois ans) permet au projet d’avoir une certaine assise. Reste à bien coordonner l’ensemble des envies pour que tout le monde y trouve sa place.

Centre agroécologique et touristique La Rivoire,
42220 Saint-Julien-Molin-Molette,
tél. : 04 77 39 65 44,
www.larivoire.net,
larivoire@hotmail.fr

(1) Société coopérative d’intérêt collectif : société permettant d’associer
des professionnel·les à d’autres personnes physiques (clients, voisin·es, fournisseu·ses, ami·es) ou morales (communes, parc naturel, etc.)

(2) Terre de liens, voir dossier dans Silence n° 396, décembre 2011.

(3) Cigales, Club d’investisseurs pour une gestion alternative et locale de l’épargne solidaire, voir http://cigales.asso.fr

(4) Centre agroécologique des Amanins, 26400 La Roche-sur-Grâne,
tél. : 04 75 43 75 05, www.lesamanins.com

(5) Ferme du Bec-Hellouin, 1 sente du Moulin au Cat, 27800 Le Bec-Hellouin,
tél. : 02 32 44 50 57, www.fermedubec.com

(6) Accueil paysan, 9 avenue Paul-Verlaine, 38100 Grenoble,
tél. : 04 76 43 44 83, www.accueil-paysan.com

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