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Les belles paroles ne résolvent rien

Stephen Kerckhove

Par deux fois au moins ces derniers mois, la gesticulation politique a pris le pas sur l’action effective. Un verbiage vert pâle est supposé compenser l’inaction persistante d’une classe politique abasourdie par l’accumulation de menaces écologiques, transie d’effroi et incapable d’envisager un changement de paradigme.
La société du spectacle alimente ainsi la société de consommation, dans un même mouvement nihiliste. L’air de rien… nous sommes entré·es dans l’ère du rien matérialiste. Faute d’avoir prise sur le réel, la classe politique en est réduite au rôle peu enviable de gestionnaire de biens dispensant sa leçon de choses quotidienne.

L’échec des États généraux de l’alimentation

Au terme de plus de 35 000 heures cumulées de réunionite associant
plus de 700 acteurs et actrices venu·es se remplir la panse de petits fours à défaut de penser la transition agricole, les États généraux de l’alimentation ont accouché d’un projet de loi qui ne cherche même plus à faire illusion. Après avoir supprimé une grande partie des aides à la bio, le gouvernement se propose d’améliorer la qualité des aliments servis en restauration collective. Associations et paysan·nes bio attendaient donc un seuil de 30% de bio servis dans les cantines d’ici 2022. Le ministre des « agriculTueurs », intoxiqué aux pesticides, a traduit cet objectif dans un article de loi aussi verbeux qu’alambiqué… « Au plus tard le 1er janvier 2022, les personnes morales de droit public incluent, dans la composition des repas servis dans les restaurants collectifs dont elles ont la charge, une part significative de produits acquis en prenant en compte le coût du cycle de vie du produit, ou issus de l’agriculture biologique, ou bénéficiant d’un des autres signes ou mentions prévus par l’article L.640-2 du code rural et de la pêche maritime ou satisfaisant de manière équivalente aux exigences définies par ces signes ou mentions ». Le « en même temps » législatif laisse peu de doute sur le fait que nos cantines continueront à servir une nourriture de mauvaise qualité…

Le rendez-vous manqué des Assises de la mobilité

Parallèlement à ces États généraux de l’alimentation avaient lieu les Assises de la mobilité. Dans un registre similaire, des acteurs et actrices de la société civile sont appelé·es à alimenter une machine démocratique qui tourne à vide. En conclusion, un ministre de la parole « plus verte que verte » vient rappeler l’impérieuse nécessité d’agir. Dans une dramaturgie millimétrée, il est rappelé que la France a raté ses engagements climatiques en 2016, à cause notamment du secteur des transports qui a vu ses émissions de CO2 exploser de 12,4% depuis 1990. Constat accablant amenant Janus à signer dans une belle ambivalence, la prolongation de la déclaration d’utilité publique du contournement ouest de Strasbourg après avoir validé celle du contournement est de Rouen.
Ces deux exemples illustrent parfaitement l’insincérité de la parole politique. Notre responsabilité est de ne rien céder sur le fond ni sur la forme. Au risque de laisser croire que la crise écologique serait derrière nous, terrassée par une accumulation de belles paroles. Mot à… maux, l’un gomme les autres. Or nos illusions, qu’elles soient techniciennes ou sémantiques, peuvent sans doute entretenir le doute mais en aucune façon régler les problèmes qui perdurent et s’amplifient.

Agir pour l’environnement, 2 rue du Nord, 75018 Paris,
www.agirpourlenvironnement.org.*]

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