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Dessins d’enfants, guerres d’adultes

En temps de guerre les enfants sont trop souvent soumis aux privations, obligés de fuir, enrôlés de force, témoins de violences subies par leurs proches, voire eux-mêmes blessés, mutilés, torturés ou tués. Ils ont une expérience totale, une parole et une mémoire à part entière, des violences de masse. Et pourtant leur parole est peu mise en avant. Voir et recevoir les traces qu’ils nous laissent est un chemin de connaissance et de reconnaissance.

Les dessins que nous laissent les enfants jetés dans des situations de guerre constituent un antidote à toute somnolence de l’habitude face à celle-ci. Loin des « direct live », l’image est arrêtée, le temps est suspendu. Des yeux immenses, un soleil qui pleure dans un coin de l’image, nous en disent plus long que bien des paroles.
De la guerre d’Espagne au Salvador, de la Syrie à la Birmanie, de l’Algérie au Darfour, partout où des adultes ont donné des crayons à ces enfants marqués par la guerre, ces dernier·es s’en sont emparés pour partager ce qu’ils et elles ont vécu.
Zérane S. Girardeau a réalisé un remarquable travail de compilation et de commentaire de ces dessins, demandant parfois à des artistes de dialoguer avec ceux-ci. Le résultat est une exposition et un livre bouleversants, à la fois éprouvants et nécessaires.

« Fuite d’Espagne ». Guerre d’Espagne, 1936-1938. Margarita Garcia, 10 ans, résidence pour enfants, Biar (Alicante).
Source : Southworth Spanish Civil War Collection, Mandeville Special Collections, bibliothèque de l’université de Californie à San Diego.

« Béata ». Rwanda, 1997, Béata, 8 ans, centre pour enfants orphelins ou séparés de leur famille. « Mutique à son arrivée, Béata choisit soigneusement son feutre et se dessine avec deux terrifiants disques noirs à la place des yeux. Elle se fait le regard de quelqu’un qui a vu des choses effroyables, des choses qui ne peuvent pas être vues ».
Source : Serge Baqué, Dessins et destins d’enfants. Jours après Nuit. (Hommes et Perspectives, 2000).

« Massacre Rwanda ». Rwanda, 1997. Paul, 14 ans, Ndéra, centre pour enfants orphelins ou séparés de leur famille. « Les interhamwés sont venus, ils ont tué les voisins et brûlé la maison. Je me suis caché dans un champ de Sorgho ».
"L’enfant qui se cache dans un champ de sorgho est dépourvu de bras et de bouche. Sans bouche et sans bras ! Comment mieux traduire le sentiment
de totale impuissance ?"
Serge Baqué.
Source : Serge Baqué, Dessins et destins d’enfants, Jours après Nuit. (Hommes et Perspectives, 2000).

« Massacre Ouganda ». Ouganda, 1998, William, camp Acholi Pii dans la région de Kitgum et centre de réhabilitation pour des enfants qui ont pu échapper à la LRA (Lord’s resistance army) après leur enlèvement.
Source : Where is my home ? Children in war (AVSI, Wold Visio, Gusco, Save the children, Danemark, Unicef, 1998).

« Bombardements ». Afghanistan, 1984. Mohammad Gol, 14 ans, réfugié au Pakistan, école soutenue par la résistance afghane.
Source : Comité afghan d’aide humanitaire, revue Central Asian Survey, Children in war, Drawings from the afghan refugee camps.

Déflagrations.
Dessins d’enfants, guerres d’adultes,

Coord. par Zérane S. Girardeau, préface de Françoise Héritier,
éd. Anamosa, 2017, 274 p., 30 €

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