Dossier Agriculture biologique Alternatives Permaculture

Une ferme agroécologique collective aux portes de la ville

Michel Bernard

Un collectif s’est lancé début 2017 dans un projet de ferme bio urbaine, avec un pôle pédagogique et culturel. Une démarche engagée en faveur de la résilience des grandes métropoles.

Fiche d’identité
Localisation : nord de Montpellier • Création : 2017 • Superficie : 4,8 hectares et une ancienne ferme • 7 personnes en collectif • Statut : associatif • Terrain loué à la métropole • Ventes sur place et par le biais de magasins locaux • Soutien par différentes activités pédagogiques et culturelles • Fort réseau de soutien

Le 25 juillet 2017 la caravane de L’Alter-Tour [1], après un passage par le bord de mer et une remontée le long du Lez, traversait Montpellier du sud au nord et rejoignait la ferme urbaine collective de la Condamine pour une journée de repos bien méritée.
Depuis avril 2017, sept personnes vivent dans cette ferme située en bordure de la ville, avec le projet de produire des légumes et des fruits biologiques et d’en assurer la diffusion localement.

Une première expérience en association

Paysagiste, maraîchère, cuisinier, animatrice, naturaliste, éducatrice, architecte paysager… C’est dans le réseau des colocations montpelliéraines qu’ils et elles se sont rencontré·es.
« Un premier jardin collectif est né d’envies d’expérimentations maraîchères, sur un petit terrain aux abords de Montpellier. Petit à petit s’est construite l’idée d’un projet mêlant les activités des un·es et des autres. L’association Les Jardiniers toqués s’est alors créée, permettant de commencer à développer une activité de restauration végétarienne et d’animation culturelle et pédagogique. »
La recherche de terrains amène le groupe à répondre à un appel à projet de la Métropole Montpellier Méditerranée, dont la politique agroalimentaire a prévu de favoriser la mise en place d’une « ceinture nourricière en agroécologie » pour améliorer la résilience de la ville. D’anciens maraîchages, préemptés par la métropole pour des projets d’urbanisation, sont ainsi remis en culture.

Avec le soutien d’une coopérative agricole

Le statut associatif ne permettant pas de répondre à cet appel à projet, six volontaires entrent alors au sein de Terra Coopa, une coopérative agricole qui leur permet de suivre un contrat d’aide professionnel [2]. Ils
et elles bénéficient ainsi du revenu de solidarité active, le temps de démarrer leurs activités. La septième personne gère l’association liée à la ferme.
La métropole a retenu leur projet proposant de lier maraîchage, cuisine et accueil pédagogique et culturel. Elle leur a attribué une ancienne exploitation de 4,8 ha, avec un verger ancien, des serres [3] et des terres de culture pour les légumes de plein champ.
Le terrain, en bordure de route, a malheureusement servi de décharge sauvage pendant des années, ce qui nécessite un long travail de nettoyage assuré en partie par les services de la métropole et achevé par le collectif (petits morceaux de plastique), parfois aidé lors de journées de nettoyage en chantier participatif.
La métropole leur a accordé un « commodat » : un bail gratuit d’un an renouvelable. Le collectif travaille sur une proposition de bail agricole à long terme leur permettant d’envisager plus sereinement leurs investissements.
La proximité de la ville assure un débouché immédiat à la production : le groupe organise la vente directe sur place et la livraison dans des points de vente, en particulier à La Cagette, nouveau supermarché coopératif (voir encart) dont certain·es suivent l’avancée depuis le début.
« L’idée est de jouer sur les serres, les tunnels et le plein-champ pour assurer une production toute l’année. » La première année, le collectif a pu commencer les semis un peu avant d’être officiellement dans les lieux. Il a été décidé de se concentrer sur six espèces de légumes d’été et six d’hiver, en multipliant les variétés par espèce.

La Cagette, supermarché coopératif
La Cagette a vu le jour en septembre 2017 : en dix jours, 72 000 euros ont été collectés auprès de plus de 200 personnes pour financer le rachat d’une ancienne supérette. L’opération est née du désir d’un groupement d’achat préexistant de s’ouvrir plus largement. Le but est d’offrir une offre alimentaire de qualité, respectueuse de l’environnement et des humains. Le magasin fonctionne grâce à l’engagement des coopérat·rices, qui doivent offrir trois heures de travail par mois. Le tout fonctionne sous forme coopérative, sans notion de profit ni hiérarchie. Les décisions se prennent par consentement lors d’une réunion mensuelle. Des débats passionnés tournent autour des produits acceptables ou pas : local, bio, à bas prix, grandes marques…
- La Cagette, 19 avenue Georges-Clemenceau, 34000 Montpellier,
tél : 09 83 34 66 91, https://lacagette-coop.fr.
Ouvert du mercredi au samedi de 8 h à 10 h 45 et de 16 h 30 à 21 h 30.
Réservé aux coopérat·rices.

S’orienter vers l’agroforesterie

Lorsque le bail sera stabilisé, le groupe envisage de s’orienter vers l’agroforesterie pour développer des arbres fruitiers en couvert des légumes, plutôt que de maintenir un verger à part. L’agroforesterie doit permettre d’économiser l’eau et les apports de nutriments pour les légumes [4]. Certaines parcelles, cultivées chimiquement encore récemment, sont en reconversion bio. Quant à celles où les légumes sont cultivés, elles sont déjà considérées comme bios car elles sont restées non cultivées pendant six ans.
Les sols sont déjà très riches en matières organiques et, pour maintenir cette qualité, un accord a été passé avec des paysagistes qui livrent des déchets verts à composter [5].
L’activité de restauration, qui permet de gérer les excédents de production, représente une autre source de revenus. S’il y a encore du surplus, des conserves sont réalisées mais uniquement pour la consommation personnelle du groupe.
De même, quelques poules sont présentes mais, pour le moment, leurs oeufs sont uniquement consommés sur place. La production pour la vente serait intéressante, mais elle demande la mise en place d’une gestion sanitaire, qui est envisagée à plus long terme.
Actuellement, seul un des bâtiments est habitable. Cinq personnes et deux enfants y vivent en colocation, les deux autres à l’extérieur. Certain·es souhaitent plus d’autonomie. La remise aux normes d’autres bâtiments, qui doit être assurée par la métropole, devrait permettre une meilleure répartition des habitations.
Du fait de la proximité de la ville, le collectif est très sollicité, que ce soit par les médias ou par des gens de passage qui cherchent un hébergement.
Une discussion s’est ouverte avec Accueil paysan [6] pour fonder un camping à la ferme.
Une petite parcelle située en bord de route a été aménagée pour accueillir des événements culturels. Ainsi, le passage de l’AlterTour a été l’occasion d’une soirée musicale. Outre les cinquante cyclistes du tour, une centaine de Montpelliérain·es y ont participé. En octobre 2017, ils et elles ont organisé le festival Le Champ du Poulpe, mêlant cirque, musique et restauration locale.

Apprendre à vivre ensemble

Le métier de maraîcher n’est pas la seule motivation. Le fonctionnement collectif est un autre choix : mettre en pratique des idées d’autonomie, de vie sans hiérarchie, de respect des envies de chacun·e. Le travail est vu comme un moyen de vivre et non comme un but. Après une première saison, le collectif prend conscience que chacun·e doit avoir du temps pour des activités extérieures. Léa et Nadia, par exemple, sont impliquées dans une chorale militante. Lors de notre deuxième passage, début septembre, elles rentraient d’une rencontre des chorales à Notre-Dame-des-Landes. Le collectif permettant de répartir le travail, chacun·e peut s’y investir à sa manière. Grâce à un collectif installé sur une petite surface et à des modes de vie peu dépensiers, chaque individu a une plus grande liberté vis-à-vis des impératifs de culture, par rapport à un·e maraîchèr·e individuel·le classique. La sobriété et l’entraide sont des facteurs de liberté.

Ferme urbaine collective de la Condamine
1372 B rue des Marels, 34000 Montpellier
Tél : 09 62 52 48 93
fermeurbainecollective@gmail.com

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Notes

[1L’AlterTour propose chaque été un tour cycliste « sans dopage » à la rencontre des alternatives. ww.altercampagne.net

[2Terre Coopa, 55 rue Saint-Cléophas, 34070 Montpellier, tél : 04 34 76 05 00, www.terracoopa.net. Coopérative d’activité créée en 2011, spécialisée dans l’aide à l’installation agricole.

[3Les serres font environ 2 500 m2, mais la découverte de colles contenant de l’amiante dans la fixation du verre nécessite un important chantier qui sera pris en charge par la collectivité.

[4La ferme dispose d’une pompe à eau reliée au canal du Bas-Rhône, qui alimente la métropole.

[5Le bénéfice est réciproque : s’ils et elles déposaient ces déchets à la déchetterie, les paysagistes devraient payer.

[6Fédération nationale Accueil Paysan, 9 avenue Paul-Verlaine, 38100 Grenoble, tél : 04 76 43 44 83, www.accueil-paysan.com

[7L’AlterTour propose chaque été un tour cycliste « sans dopage » à la rencontre des alternatives. ww.altercampagne.net

[8Terre Coopa, 55 rue Saint-Cléophas, 34070 Montpellier, tél : 04 34 76 05 00, www.terracoopa.net. Coopérative d’activité créée en 2011, spécialisée dans l’aide à l’installation agricole.

[9Les serres font environ 2 500 m2, mais la découverte de colles contenant de l’amiante dans la fixation du verre nécessite un important chantier qui sera pris en charge par la collectivité.

[10La ferme dispose d’une pompe à eau reliée au canal du Bas-Rhône, qui alimente la métropole.

[11Le bénéfice est réciproque : s’ils et elles déposaient ces déchets à la déchetterie, les paysagistes devraient payer.

[12Fédération nationale Accueil Paysan, 9 avenue Paul-Verlaine, 38100 Grenoble, tél : 04 76 43 44 83, www.accueil-paysan.com

[13L’AlterTour propose chaque été un tour cycliste « sans dopage » à la rencontre des alternatives. ww.altercampagne.net

[14Terre Coopa, 55 rue Saint-Cléophas, 34070 Montpellier, tél : 04 34 76 05 00, www.terracoopa.net. Coopérative d’activité créée en 2011, spécialisée dans l’aide à l’installation agricole.

[15Les serres font environ 2 500 m2, mais la découverte de colles contenant de l’amiante dans la fixation du verre nécessite un important chantier qui sera pris en charge par la collectivité.

[16La ferme dispose d’une pompe à eau reliée au canal du Bas-Rhône, qui alimente la métropole.

[17Le bénéfice est réciproque : s’ils et elles déposaient ces déchets à la déchetterie, les paysagistes devraient payer.

[18Fédération nationale Accueil Paysan, 9 avenue Paul-Verlaine, 38100 Grenoble, tél : 04 76 43 44 83, www.accueil-paysan.com