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Le handicap dans les lieux alternatifs : retour d’expérience au {Bouquin qui bulle}

Marc Laurent-Athalin

Dans le mot « alternatif » il y a la notion de « l’autre » et l’idée d’échange, de partage, de mise en commun de ses propres aptitudes à des fins peu lucratives. Les initiatives dites « alternatives » sont-elles plus attentives à la question du handicap ? L’auteur, qui fut en situation de handicap importante et qui a suivi un long parcours de réadaptation, aujourd’hui devenu animateur social éducatif et culturel, témoigne de sa propre expérience.

Dans le nord-est de Paris, l’éventail des lieux est abondant. La personne en situation de handicap doit trouver un projet qui la motive, mais la question de « l’accessibilité » se pose. Le handicap amène à se ré-interroger : « suis-je prêt à m’investir et jusqu’à quel point, dans telle ou telle association, structure ? »

Un foisonnement de lieux, une intégration difficile

Par intérêt personnel, j’ai trouvé entre autre intéressant d’aller dans des associations de quartiers qui proposent des projets divers allant de la distribution de repas jusqu’aux repas partagés ou « aux cartes blanches » (repas fait par plusieurs adhérent-es). Il existe d’autres associations qui recyclent des ordinateurs ou des vêtements, des meubles, des régies de quartiers ou centres sociaux, qui créent de la solidarité et de la convivialité entre les habitant·es.
Il existe des associations plus « spécialisées » comme les associations pour personnes âgées/handicapées (Fédération des malades handicapés, Unarpa, Groupes d’entraide mutuelle, etc.). Mais étant travailleur social et mon objectif étant de décrocher un emploi, j’ai constaté que les contrats ainsi que les équipes étaient difficile à intégrer. Face à la dure « loi » du système capitaliste et à l’élan de la mondialisation, la personne en situation de handicap, qu’il soit visible ou invisible, se retrouve en position plus que difficile ! Car les associations manquent de subventions, et du coup la sélection est plus exigeante. Pour ma part je ne parle pas de handicap, car j’ai le sentiment qu’on ne me ferait pas confiance par rapport à un candidat ordinaire.

Construire une boîte à livres

Dans ce quartier multiculturel, je suis allé faire une expérience intéressante, dans un lieu associatif appelé Le bouquin qui bulle, né d’une bibliothèque itinérante il y a plusieurs années, qui dispose de deux espaces d’activités. L’un, un atelier bricolage pour les personnes de 15 à 77 ans, se passe, un samedi par mois, en partenariat avec la régie de quartier du 11e, dans les locaux même de l’association Le bouquin qui bulle. L’autre est dédié à l’accueil et l’animation à destination de la petite enfance, l’enfance et les adultes.
M’étant proposé pour faire du bénévolat au sein d’une régie de quartier, avec d’autres participant·es, je me suis retrouvé à faire une activité de bricolage et associé à un projet de construction en matériaux de récupération, d’une boîte à livres. Les boîtes à livres sont ensuite placées à disposition des passant·es, avec l’accord des espaces verts publics comme des jardins partagés, ceci en vue de redonner du sens à la culture et de favoriser l’échange de savoirs entre habitant·es dans l’espace urbain, ou chacun·e peut y déposer un ou des livres ou en prendre.
Au cours de ma première rencontre, je me suis retrouvé en compagnie de cinq femmes et d’un animateur et j’ai apprécié l’accueil. J’ai pu prendre un café et me suis senti considéré, écouté par rapport aux initiatives que je proposais pour la fabrication de la boîte. J’ai eu l’impression de faire quelque chose de constructif et dans la bonne humeur. C’était pour moi l’occasion de faire l’apprentissage du maniement des outils de bricolage, dans un lieu associatif de quartier et tout ceci en groupe ce qui crée un moment convivial.
Grâce à l’activité bricolage, peu à peu, j’ai pu faire de nouvelles connaissances que je recroise de temps en temps sur place et me suis adapté aux autres, malgré la difficulté d’intégrer un nouveau groupe. J’ai eu le sentiment positif que construire est bon pour l’estime de soi et pour mon bien être. J’ai pu remarquer à l’entrée de l’association une rampe d’accès pour les personnes en fauteuil roulant et j’ai constaté aussi qu’à proximité il y avait une structure, l’ADAPT (Association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes en situation de handicap), de plus j’ai constaté sur le site de l’association un partenariat avec un ESAT (Établissement et service d’aide par le travail).

Réflexions sur l’espace public et le vivre ensemble

Il se trouve que le projet pédagogique de l’association Le bouquin qui bulle se nomme « le projet déambule » et qu’il mène une réflexion sur l’espace public en relation avec les habitant·es pour un mieux vivre ensemble, en particulier en soulevant la question du rôle des bibliothèques au fil du temps et au sein des divers types de sociétés. Il souhaite s’associer au dispositif des « bibliothèques hors les murs » et ainsi continuer à mobiliser des habitant·es.
Lors de mon passage, je n’ai rencontré personne en situation de handicap de quelque ’ordre’ que ce soit. Le responsable du lieu m’a fait part du fait qu’il avait fait faire du matériel pour son association en partenariat avec des établissements et le Service d’Aide par le Travail (ESAT) spécialisé en menuiserie, qui emploie des personnes en situation de handicap.
En conclusion cette expérience m’a fait réfléchir à la notion d’alternative par rapport aux personnes en situation de handicap. De nos jours, dans certains quartiers, on peut rencontrer des difficultés, que cela soit en fonction de ses appartenances, du lieu où on vit, ou de ses propres épreuves de vie ! Les milieux alternatifs semblent être une véritable bouée de sauvetage par une ouverture d’esprit, mais interrogent aussi à nouveau, le rôle de chacun·e et la vocation qu’a la culture au sein d’une famille, d’un lieu, d’un quartier, d’une ville ou d’une société.

Quelques adresses  :
- Le Local, 18 rue de l’Orillon, 75011 Paris
- Jardins partagés, square Jules-Verne, 19 rue de l’Orillon, 75011 Paris
- La Cantine des Pyrénées, 77 rue de la Mare, 75020 Paris,
tél : 01 43 15 99 29.
- La Main de l’autre, Georges Zokou, 23 rue de la Py, 75020 Paris,
tél : 06 79 07 80 29
- La Recyclerie, rue Mendelssohn, 75020 Paris,
tél : 01 48 44 44 92
- Groupe d’entraide mutuelle L’étoile polaire,
119 rue des Pyrénées, 75020 Paris,
tél : 01 46 28 04 06,
www.gem-etoilepolaire.org
- Le Bouquin qui bulle, Compagnie par has’Arts
19 bis rue de l’Orillon 75011 Paris,
sur son site (http://hasarts.wixsite.com/deambulle/blank) se trouve la liste des boîtes à livres de Paris.
- Personimage, 91 rue Vercingétorix, 75014 Paris, tél : 01 45 41 34 44,
www.personimages.org

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