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Retour à la Chanvrière du Bélon

Danièle Gonzalez

En 2000, Silence visitait la Chanvrière du Bélon, en Bretagne. 17 ans plus tard, l’occasion s’est présentée de retourner voir ce qu’est devenue cette coopérative, qui s’appelle désormais Technichanvre-Chanvrière du Bélon, pionnière dans l’activité du chanvre pour la construction.

En 1997, la coopérative naissait à Riec-sur-Bélon, dans le Finistère, avec trois associés, un cultivateur bio, un maître d’oeuvre chantier et un gérant. Il s’agissait donc, à l’échelle locale, de maîtriser toute la filière depuis la culture du chanvre jusqu’à son utilisation en construction d’habitats sains. Aujourd’hui, les trois fondateurs sont partis mais la SCOP fonctionne toujours, avec des activités orientées différemment.

Pas facile de défricher une voie nouvelle

La SCOP a arrêté cultures et chantiers pour se consacrer entièrement au développement des produits issus du chanvre, leur fabrication et leur commercialisation. Dans le domaine de la construction, il s’agit d’isolants thermiques et acoustiques, sous forme de rouleaux-panneaux, briques ou autres granulats. Ce recentrage des activités (qui s’accompagne par ailleurs d’une orientation vers d’autres domaines que celui du bâtiment) relève à la fois des profils des personnes présentes et d’un besoin de simplification. Et puis « nous n’avions pas vocation à grossir » explique Sébastien Le Borgne, « gérant et homme à tout faire ». La SCOP emploie désormais quatre personnes, dont une en contrat de professionnalisation.
En fait, la coopérative avait grossi lors de l’absorption en 1999 de Effireal, une usine de fabrication de laine de chanvre dont elle était l’un des plus gros clients. Mais l’opération n’a pas été un succès et Effireal a été liquidée en 2014 : « Heureusement, tout le monde a retrouvé du travail ». C’est qu’après une période faste entre 2000 et 2010, la concurrence s’est développée. Au-delà du chanvre, les biomatériaux connaissent alors un fort développement. La ouate, le coton ou la fibre bois, par exemple, font leur chemin. Pour ce qui concerne le chanvre, en 2009, les surfaces cultivées arrivent à 12 000 hectares, ce qui confirme la première place de la France au niveau européen. De nouvelles structures d’exploitation du chanvre se sont créées à échelle industrielle, avec des investissements chiffrés en millions d’euros.
Pour un tout petit acteur comme Technichanvre, les temps sont devenus plus difficiles dans le bâtiment, d’où sa diversification vers d’autres marchés : l’environnement et l’agriculture.

Aujourd’hui, des obstacles avant tout réglementaires
Aujourd’hui, pour Sébastien, les principaux obstacles sont réglementaires. Pour ce qui concerne le bâtiment par exemple, il faut utiliser des produits certifiés pour pouvoir bénéficier du Crédit Impôt Transition Energétique (CITE). Mais dans le domaine du chanvre comme dans d’autres, les procédures longues et complexes de certification peuvent se révéler pénalisantes pour les petites structures. Par ailleurs Technichanvre refuse de traiter le chanvre acheté (même s’il n’est pas toujours bio), se privant ainsi de la certification Acermi (association pour la certification des matériaux isolants), qui fait foi dans la profession.

Pourtant, Technichanvre a fait partie des pionnier·es de la renaissance du chanvre en France. Il a fallu beaucoup d’énergie pour résoudre les difficultés techniques, démontrer l’efficacité et la fiabilité du matériau malgré les idées préconçues, surmonter les problèmes d’image. Sébastien raconte que « Aujourd’hui, sur les salons, plus personne ne prend les intervenants du chanvre pour des fumeurs de moquette, mais nous avons dû faire un gros travail pour ça ».

Diversification, essaimage et innovation

Plutôt que la croissance interne, Technichanvre semble préférer les essaimages, les partenariats. « Par exemple nous avons aidé Le Relais, filiale d’Emmaüs, à lancer en France l’isolant Métisse produit à partir de l’effilochage de vêtements recyclés » explique Sébastien. Qui s’occupe par ailleurs de faire fabriquer avec différents partenaires et de commercialiser des produits alimentaires à base de chanvre : bière, farine… et huile de chanvre (l’huile de chanvre Bioméga commercialisée sous la marque Vigean) : « un produit phare, pour lequel on a fait tout le travail administratif, un vrai combat, pour que sa mise sur le marché soit autorisée, chose faite en 2001 ». Technichanvre propose aussi des produits comme des fonds de cage pour rongeurs domestiques ou des paillages pour jardin, sous formes de dalles ou de rouleaux facilitant l’implantation de haies ou de talus. La diversité des produits permet l’utilisation de la totalité du chanvre : zéro déchet !
En dépit des difficultés, l’innovation semble rester dans les gènes de Technichanvre. Parmi les dernières en date : Chanvriberg, leur marque de fascines – longs boudins de fibres de chanvre (mais, pour leur solidité, dans un filet en fibre de coco) – destinées au renforcement des berges. Maintenues par de simples piquets de bois, les fascines s’intègrent d’autant mieux au paysage que des plantes s’y enracinent. Biodégradables et ne nécessitant aucun gros engin de chantier, il s’agit d’une alternative plus écologique et économique que l’enrochement. Le Smatah  [1], organisme chargé de l’aménagement du canal de Nantes à Brest, s’est montré intéressé et une portion des berges a été consolidée avec les fascines Chanvriberg.
Technichanvre s’est aussi tournée vers les marchés de niche, par exemple l’isolation des yourtes et des « tiny houses » (mini-maisons, sur roues ou pas, en vogue depuis quelques années). Petites tailles toujours mais grande détermination à poursuivre l’aventure.

Technichanvre – Chanvrière du Bélon
Les Kaolins 29340 Riec sur Belon
02 98 06 45 34
contact@technichanvre.com

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Notes

[1Smatah : Syndicat Mixte d’Aménagement Touristique de l’Aulne et de l’Hyères.

[2Smatah : Syndicat Mixte d’Aménagement Touristique de l’Aulne et de l’Hyères.

[3Smatah : Syndicat Mixte d’Aménagement Touristique de l’Aulne et de l’Hyères.