Chronique En direct de nos colonies Nord-Sud

Congo : le silence de la France

Raphaël Granvaud

« Le silence de la France », titrait Libération (23 juillet 2017) au sujet de la dernière plaisanterie électorale du Congo-Brazzaville. Cinq jours après la tenue des élections législatives de juillet 2017, boycottées par une partie de l’opposition, le parti au pouvoir a annoncé qu’il s’arrogeait dès le premier tour 70 des 151 sièges de l’Assemblée nationale, dans l’indifférence de la « communauté internationale ». Dans le pays, la diplomatie française s’est fait tellement discrète que même les personnes binationales titulaires de la nationalité française ne bénéficient plus d’aucun soutien quand elles sont arrêtées arbitrairement, rapporte Libération : « À Brazzaville, l’ambassadeur de France brille par son silence ». C’est très exagéré ! Deux jours avant les élections, à l’occasion de la fête nationale française, l’ambassadeur Bertrand Cochery assurait en effet les autorités congolaises que « le Congo peut compter sur l’appui de la France pour relever les défis les plus brûlants du moment », en particulier en matière de coopération militaire (Agence d’information d’Afrique Centrale, 15 juillet 2017).

Guerre silencieuse

Quant à son ministère de tutelle, il est finalement sorti de son silence à la veille du second tour, mais pour se dire « préoccupé » par l’absence de scrutin dans le Pool. En raison de la guerre menée contre cette province par les autorités après l’élection présidentielle truquée, le vote a en effet été reporté dans 8 des 14 circonscriptions de cette région. En plus de subir les bombardements du pouvoir, les populations civiles ne participaient pas au processus électoral. Le mandat des député·es concerné·es a finalement été prolongé, histoire de maintenir un reste de vernis démocratique sur un pays qui cherche à taire les exactions de son armée contre la population, dans un département où la population est prise au piège, sans média pour témoigner ni aide humanitaire (RFI, 8 août 2017).
L’ONU et le gouvernement reconnaissent que 138 000 personnes sont « en détresse » (AFP, 20 août 2017), mais pour André Gombet du Collectif Sassoufit, la "tragédie
du Pool« , c’est plus précisément  »100 000 déplacés, des villages brûlés, des populations massacrées, plus de 150 prisonniers politiques et d’opinion" (Le Monde Afrique, 21 septembre 2017).

Soutien français

Mais le Pool peut continuer de souffrir en silence : les autorités françaises sont surtout soucieuses de voir le dictateur congolais, qui préside le Comité de haut niveau de l’Union Africaine sur la Libye, défendre les manoeuvres diplomatiques françaises en faveur du général Haftar en Libye ; et préoccupées de voir le pays renouer avec le FMI. Sassou, qui brade allègrement toute la production pétrolière
à venir et détourne massivement les richesses du pays, a en effet tenté de dissimuler un endettement abyssal aux institutions financières internationales. La dette publique, annoncée inférieure à 77 % du PIB, dépasse en réalité les 120 % ! Des nouvelles mesures « d’ajustement structurel » sont donc exigées, qui risquent d’alimenter encore la contestation sociale et politique. Pour soigner son image et amadouer le FMI, le régime aurait reçu le soutien de Jean-Philippe Dorent, directeur général de la branche « lobbying » de Havas, propriété de Bolloré (Les Afrique, 04 octobre 2017). Encore plus fort, Sassou a recruté l’ancien directeur du FMI, Dominique Strauss-Kahn pour l’aider à mener les négociations.

Une chronique de : Survie, 47, avenue Pasteur, 93100 Montreuil, https://survie.org

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