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Casa Pueblo, la maison du peuple

Une maison communautaire forgée en 35 ans d’actions culturelles et environnementales.

En 1980 naît à Porto Rico un mouvement citoyen contre l’autorisation d’exploiter des gisements d’or, cuivre, zinc et plomb. Ces exploitations, à ciel ouvert, doivent s’étendre sur une vaste zone de montagnes, touchant plusieurs villes qui seraient alors détruites ainsi qu’une partie de l’écosystème de l’île.
Les règles internationales de protection de l’environnement autour de l’extraction minière sont très peu contraignantes. Une concession gouvernementale est alors cédée à une multinationale étrangère.

Culture, science et communauté
Face à cette sombre perspective et à la faible implication de la population (une première manifestation n’attire qu’une personne !), le groupe citoyen cherche comment sensibiliser et mobiliser davantage. Une équation, toujours appliquée aujourd’hui, est proposée : rassembler autour de la culture, de la science et de la communauté pour créer une mobilisation citoyenne.
À travers la culture, il s’agit de redonner de la fierté : souffrant de la colonisation des États-Unis, les insulaires perdent peu à peu leur identité, leurs racines, leurs valeurs. (1) Lors de la seconde manifestation, des artistes de culture portoricaine locale permettent de rassembler largement.
Par la science, l’objectif est d’informer sur les conséquences de l’extraction minière : la population informée est plus à même de réagir à la menace environnementale. Aujourd’hui, Casa Pueblo propose une éducation environnementale très complète.
Dernier pilier de l’équation, les personnes se reconnaissent comme une communauté, une force d’action.
Malgré des tentatives d’intimidations policières et de l’État, le groupe obtient l’abandon du projet après 15 ans de lutte.

La maison communautaire
Casa Pueblo acquiert une grande renommée dans l’île et, depuis son ouverture au public en 1995, cherche à être un exemple de recherche d’autonomie alimentaire, financière et énergétique. Elle s’est associée à des producteurs locaux et commercialise son propre café (2). Des panneaux solaires donnent une électricité renouvelable et l’excédent est redistribué.
D’autres initiatives ont vu le jour : boutique artisanale, musée, sensibilisation à l’écosystème dans les forêts du lieu, école de musique ouverte à tous, ou encore radio locale. (3)

N’oubliant pas ses luttes passées, Casa Pueblo tient une veille des politiques gouvernementales liées à l’environnement, communique ses réactions : sa voix est écoutée.
Son combat pose plus largement une question fondamentale : si nous ne voulons pas que notre environnement proche soit détruit, ne faudrait-il pas être indépendant·es des minerais pour éviter que d’autres populations héritent de la mine ? Les sociétés minières ne font que répondre à notre demande grandissante de métaux rares. A nous de réfléchir à nos besoins et de penser « du local au global et du global au local ». Au delà de la formule, l’idée est simple et puissante : nos actions ont une répercussion au niveau global et nos idées développées localement peuvent être appliquées ailleurs.

François Glaizot et Clément Bresciani

(1) Porto Rico est un Etat libre mais associé aux Etats-Unis avec un statut de Commonwealth. Les Portoricain·es ont la nationalité américaine, mais ne possèdent pas la citoyenneté américaine, et ne votent pas aux élections présidentielles par exemple. L’île est peuplée de 3 400 000 habitant·es.
(2) Sous la marque « Café Madre Isla » (café de l’île mère).
(3) Le lieu développe également des cultures hydroponiques, hors-sol. Une méthode qui leur évite l’usage de pesticides… mais une pratique d’agronomie très discutable. (Ndlr).

Les Vagabonds de l’énergie.

François et Clement effectuent un tour du monde en transports doux pour étudier les relations de l’humain à l’énergie. Ils sont passés par l’île de Porto Rico où ils se sont immergés pendant deux semaines dans le quotidien de Casa Pueblo. On peut les retrouver sur le site www.vagabondsenergie.org.

Casa Pueblo, http://casapueblo.org.

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