Chronique Nucléaire, ça boum ! Paix et non-violence

Interdites ? Interdites !

Dominique Lalanne

Le 7 juillet 2017 l’ONU a voté, après 3 semaines de discussion, un traité d’interdiction des armes nucléaires. Interdiction de fabrication, de possession, de menace ! Une étape décisive car auparavant l’arme nucléaire était interdite d’utilisation puisqu’elle correspondait à « un crime contre l’Humanité » mais sa possession ne l’était absolument pas. Un paradoxe, certes, mais utilisé par les pays nucléaires pour justifier leur politique de course aux armements. De ce point de vue cela reprend la dynamique des autres armes de destruction massive, chimique et biologique, qui ont d’abord été interdites avant que soit commencée leur élimination.
Cette session de l’ONU a provoqué un enthousiasme sans précédent chez les militant·es qui ont participé aux travaux. Et aussi pour les 122 États qui ont voté en faveur de ce traité. Plusieurs pays ont refusé de participer aux discussions, dont la France et les grands pays nucléarisés. Un seul a osé s’exprimer en votant contre : les Pays-Bas. La pression était considérable sur ce pays qui avait accepté de participer à la discussion. Tous les pays de l’OTAN, et la France en particulier, ont quasiment « obligé » les Pays-Bas à rester solidaires de la doctrine nucléaire : « ce traité est une diversion qui compromet la sécurité internationale ». Tous ces pays nucléaires n’ont pas ménagé leurs efforts pour essayer d’empêcher ce traité d’aboutir, ils ont évidemment refusé de participer d’une quelconque manière. Reste maintenant à attendre la signature de 50 pays, ce qui devrait se produire courant 2018 et le traité entrera en vigueur comme nouvelle loi internationale.

Renoncer à la doctrine de la « dissuasion nucléaire »

En quoi la situation est-elle nouvelle ? Il est vrai qu’une loi internationale ne s’applique qu’aux pays signataires d’un traité. La France peut donc considérer qu’elle n’est pas concernée. Mais il y a un mais. Car ce traité précise que le financement d’armes nucléaires est aussi interdit, et donc des établissements bancaires qui font des prêts à des entreprises pourraient bien subir des pressions de consommateurs. En France, la BNP est visée en premier lieu… Ensuite il y a les pressions de l’opinion publique, les pressions politiques, les pressions diplomatiques…
L’intelligence de ce traité est de prévoir qu’un pays peut signer puis désarmer. Dès la signature le pays doit renoncer politiquement à la doctrine de la « dissuasion nucléaire ». Or dans la communauté internationale, il y a des fissures dans cette doctrine. Dans les pays européens de l’OTAN qui hébergent des armes nucléaires les parlements ont voté pour leur retrait. C’est le cas en Italie, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique. Seule la Turquie a une attitude plus ambiguë. Imaginons qu’un pays comme les Pays-Bas demande le retrait des 20 bombes étasuniennes qu’il héberge et renonce à la « protection nucléaire » de l’OTAN, c’est tout un pan du soi-disant équilibre nucléaire qui s’écroule. Un début de remise en cause. Imaginons que l’Écosse indépendante entraîne l’abandon de la force nucléaire britannique… un autre événement majeur que craignent beaucoup de nucléocrates. L’avenir est très ouvert pour que ce traité ait des conséquences.
La balle est dans le camp de l’opinion publique : peut-on accepter que le pays des Droits de l’Humain soit en contradiction avec une loi internationale ?

Dominique Lalanne est président de « Armes nucléaires STOP » - do.lalanne@wanadoo.fr

Silence existe grâce à vous !

Cet article a été initialement publié dans la revue papier. C'est grâce à vos abonnements et à la vente de la revue que nous pouvons continuer à proposer des alternatives à la société consumériste et destructrice actuelle. Sans publicité, sous forme associative, notre indépendance et notre pérennité dépendent de votre engagement humain et financier !

S'abonner Faire un don Participer