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La prodigieuse marge de progression écologique des transports

Philippe Crassous

Repenser nos transports autour de véhicules ultra légers révèle des possibilités insoupçonnées.

Depuis des décennies, nos voitures consomment peu ou prou la même chose, malgré les énormes progrès réalisés. En 1940, les concepteurs de la Deux chevaux avaient pour objectif qu’elle consomme 3 litres aux cent. Nos transports en commun n’apportent qu’un gain bien maigre par rapport aux voitures, malgré les possibilités d’économies permises par la mutualisation des transports. En fait nos transports souffrent tous du même mal : la spirale du poids. La spiraLe Du poiDs
La consommation d’énergie des transports est surtout liée à deux paramètres : le poids et la vitesse. A basse vitesse, la consommation est grosso modo proportionnelle au poids. Traduisez par : deux fois plus lourd, consomme deux fois plus. Au delà d’environ 30 km/h, c’est la vitesse qui devient prépondérante. Et là on change d’échelle : c’est proportionnel au carré. Traduisez par : deux fois plus vite, consomme quatre fois plus.
Réduire la vitesse est donc le premier moyen de réduire la consommation des transports, sans compter que c’est aussi un gros facteur de sécurité : la voiture étant à la fois lourde et rapide, elle est responsable de 3,5 millions de mort·es par an dans le monde, soit plus que toutes les guerres réunies.
C’est malgré tout sur le poids que la marge de progression est la plus importante. Parce que sur les voitures, déjà on déplace le plus souvent quatre places vides. En plus, on rajoute toujours plus d’accessoires indispensables. Qui rajoutent du poids. Et, pour supporter leur poids, il faut renforcer, donc alourdir. Evidemment, pour aller quand même aussi vite, il faut mettre un moteur plus gros, donc plus lourd, et renforcer encore... C’est ça, la spirale du poids. DeveLopper Des boucLes vertueuses
Pour prendre la (dé)mesure de l’embonpoint pris ainsi par les voitures, il suffit de comparer à un véhicule naturellement immunisé contre cette spirale : le vélo. Parce que quand on n’a que l’énergie de ses jambes pour avancer, on évite spontanément tout poids inutile. Un vélo électrique est ainsi 40 fois plus léger qu’une petite voiture. Et pourtant il déplace, aussi, une personne avec l’aide d’un moteur. Pour une quinzaine de kilos de plus, un vélo couché caréné, appelé aussi vélomobile, offre le luxe d’une carrosserie intégrale. Comble du paradoxe, ces véhicules sont mieux adaptés que la voiture à l’essentiel de nos besoins de déplacement : immunisés aussi contre les bouchons et les problèmes de parking, ils permettent généralement de gagner du temps. Et l’allègement est une boucle vertueuse. La recharge solaire devient plausible : il suffit d’avoir deux accus pour rouler avec l’un pendant que l’autre se recharge dans la journée(1). Avec des accus de 3 kg c’est possible, avec les 200 kg d’accus d’une petite voiture électrique ce n’est pas soutenable, à tous les sens du terme. nous pouvons économiser pLus De 99 % Du pétroLe !
Comparons tous ces véhicules en suivant le destin d’un litre d’essence. Si ce litre est mis dans le réservoir d’une voiture classique, il lui fera faire moins de 17 km. (Soit 6l/100km) Si ce litre d’essence, ou son équivalent en uranium, est mis dans une centrale électrique, avec l’électricité produite une voiture électrique fera, aussi, environ 17 km. Oui, les déperditions de la production actuelle d’électricité font perdre les avantages de l’efficacité du moteur électrique. Si ce litre d’essence est utilisé pour fabriquer un panneau solaire, ce panneau va, sur sa durée de vie, fournir à un vélo électrique de quoi faire 10 000 km, soit... 600 fois plus qu’une voiture.
Bref, nous nous demandons aujourd’hui par quel moyen compliqué nous allons, peut être, gagner quelques % sur la consommation de nos véhicules de transport de personnes. Alors que nous avons dans les mains une clé capable de nous faire gagner 99,8 %. Et cette clé est simplissime : concevoir nos véhicules à moteur comme si l’on devait pouvoir, si besoin, les utiliser avec seulement des pédales. Et adieu les kilos en trop.

La voiture électrique ne tient pas la route
Présentée comme LA solution écologique, et subventionnée en conséquence, la voiture électrique cache pourtant de bien sombres revers. Déjà le lithium des batteries est une ressource très polluante à extraire. Surtout, aujourd’hui nous devrions réduire notre consommation d’électricité pour pouvoir sortir du nucléaire. Rajouter des voitures électriques, c’est s’enferrer dans la dangereuse prolongation des centrales existantes. Le pire est encore moins visible : on se déplace, en principe, dans la journée. En déplacement, il est très contraignant de recharger ses batteries et donc dans l’immense majorité les voitures électriques se rechargeront le soir et la nuit. Or c’est dans la journée que les panneaux solaires produisent. Les embarquer sur la voiture ? La surface disponible fournirait de quoi faire 10 km par jour. La voiture électrique est chroniquement incompatible avec l’énergie solaire. Et il faut bien voir qu’en matière d’électricité renouvelable, à part le solaire qui a une forte marge de progression, pour le reste c’est vite vu : l’hydraulique a un faible potentiel de développement, nous sommes visiblement peu enclin·es à voir des éoliennes fleurir partout et la forêt ne fera pas long feu si nous produisons notre électricité avec.
Bref, sous sa belle apparence, la voiture électrique est une bombe à retardement écologique, au sens propre du terme. Si j’ose dire. PC

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