Chronique Armes nucléaires Paix et non-violence

Le jeûne-action : une action politique non-violente efficace

Jean-Pierre Dacheux

Du 6 au 9 août, anniversaires des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, des militant-es non-violent-es vont interpeller l’opinion publique dans plusieurs villes de France et à l’étranger. Objectif : dénoncer les armes nucléaires qui vont prochainement être interdites par un traité international.

Cette interpellation se fait sous forme d’un « jeûne-action », une démarche inaugurée par Solange Fernex et Théodore Monod dans les années 1980. La question est souvent posée sur la signification et l’utilité d’une telle démarche.

Le jeûne est une privation volontaire de nourriture. C’est, par conséquent, un acte très culturel s’opposant à notre naturel d’êtres vivants omnivores. La motivation du jeûne est parfois médicale. Ce jeûne peut être bref (avant une prise de sang) ou prolongé (pour obtenir, par exemple, une perte de poids).

Une autre motivation du jeûne, bien connue, est d’ordre religieux, comme pendant le Carême des Catholiques ou le Ramadan des Musulmans, mais il peut s’agir, tout simplement, d’une recherche spirituelle visant à obtenir une meilleure connaissance et une plus grande maîtrise de soi.

Toute autre est la grève de la faim qui est l’engagement personnel mais total, parfois sans limitation de durée, de celui qui veut exprimer, seul ou en groupe, son opposition à une violente injustice, dont il s’estime victime, lui-même ou sa communauté de vie. Bobby Sand et 9 autres de ses compagnons irlandais en sont morts, en 1981, à cause de l’intransigeance sans retour du gouvernement anglais de Margaret Thatcher.

Le jeûne-action, différent, est un engagement collectif et concerté dont la durée est, en principe, fixée. C’est donc une alerte, une prise à témoins politique, afin d’éveiller les consciences citoyennes. La grève de la faim et le jeûne-action se rejoignent dans la dénonciation politique d’un crime contre une population tout entière. Gandhi vécut cet engagement-là, personnel et collectif tout à la fois, et il en a prouvé l’efficacité.
 
Le pasteur Martin Luther King, qui fut l’un des principaux porte-parole de la non-violence politique, assassiné par certains de ceux qui avaient constaté et déploré son influence, n’hésitait pas à donner des « conseils pratiques pour le jeûne » afin d’y trouver la force de lutter.

Nelson Mandela, « l’homme qui a dit non à la vengeance », a vécu une manière de jeûne total, contraint mais assumé, à certains moments de ses 27 années d’incarcération et il a fait « de son corps même une arme de protestation » contre l’apartheid.

Jeûne-action pour le désarmement nucléaire

Le jeûne-action pour l’abolition des armes nucléaires est aussi l’arme politique non-violente utilisée, à ces mêmes dates, chaque année, lors de la commémoration des deux bombardements nucléaires de Hiroshima et de Nagasaki, en 1945.

L’Action civique non-violente (contre la torture et la guerre d’Algérie), avec l’appui de Lanza del Vasto, avait ouvert, en France, durant les années 1960-1963, une voie nouvelle en politique qui, depuis, n’a jamais été totalement refermée. Le Mouvement pour une alternative non violente (ou MAN) entend toujours exprimer, à cet égard, la radicalité des engagements de citoyen-nes civilisé-es et bien décidé-es à faire obstacle à l’inhumanité de l’espèce humaine elle-même !

Il y aurait bien plus à dire encore, désormais, sur le jeûne politique, en notre temps de surconsommation et de religion de la croissance. Inséparable d’une vue écologique et non-violente de la vie dans la cité, il n’en est, peut-être, qu’au tout début de son usage citoyen en occident.

Jean-Pierre Dacheux

Plus d’info sur le jeûne-action 6-9 août : www.vigilancehiroshimanagasaki.com
Ndr : Silence a consacré un dossier sur ce sujet en juin 2002 (n°284).

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