Brève Alternatives Chronique de Reporterre

Croqueurs font revivre les belles pommes oubliées (les)

Camille Archambault

Jupilles, village de 500 habitant-es, dans la Sarthe. Dimanche 26 février, des panneaux colorés « bourse aux greffons » accueillent joyeusement l’arrivant-e.

André Perocheau et ses amis des Croqueurs de pommes locaux sont aux manettes. Ils attendent 400 à 500 visiteurs au fil de la journée. Aujourd’hui, c’est la quatrième bourse aux greffons de l’année dans le département. Et toujours un succès. L’engouement pour ces bourses repose, selon les Croqueurs, sur un principe simple. « Les gens en ont marre de manger des pommes sans goût et pleines de pesticides. C’est du poison ! Ils veulent retrouver les saveurs d’antan », dit Jacques, bénévole convaincu.

« Les arbres correspondent à un terroir et à un climat »

À Jupilles, les consommateurs ne trouveront pas les quelques variétés cultivées pour la grande distribution. Mais de vieilles espèces locales oubliées de pommes, poires, prunes et cerises. Reinette du Mans, poire de curé, pomme de jaune, bouet de Bonnétable, clocharde, cul d’oison vert… Les histoires que racontent ces noms se sont perdues.
Certaines personnes n’ont pas hésité à faire 60 ou 100 kilomètres pour cet événement. Parmi elles, des habitué-es. « J’ai déjà des dizaines de variétés de pommiers sur mon terrain, explique une jeune femme. Je viens tous les ans pour en découvrir de nouvelles ».
Bénévoles ou consommat-rices, tout le monde recherche ici l’authenticité d’une consommation familiale, respectueuse des humains et de la terre. « Les arbres correspondent à un terroir et à un climat », rappelle André Perocheau. « Nos ancêtres trouvaient un arbre qui leur plaisait. Ils en prenaient les greffons puis les plantaient chez eux ». Tout a été bouleversé après-guerre avec la motorisation. Les campagnes ont vu leurs habitants migrer vers les villes. D’immenses vergers ont remplacé les parcelles familiales. Il fallait nourrir les urbains.
Alors, « des variétés de pommes ont été importées » : la golden (États-Unis), la granny smith (Australie), la gala (Nouvelle-Zélande)… « Mais ce n’est pas le même climat, pas le même terroir. Alors les fruits sont traités préventivement avec des dizaines de pesticides ».
En France, les arboriculteurs professionnels ne cultivent à grande échelle qu’une trentaine de variétés. Peu, au vu de la diversité fruitière. Pour exemple, en Sarthe, les Croqueurs de pommes recensent une cinquantaine de variétés locales.
Cependant, seuls les fruits inscrits au catalogue officiel des espèces et variétés peuvent être commercialisés. Les amateurs peuvent en cultiver d’autres, mais juste pour leur propre consommation.

« Si le soleil donne le goût, la lune donne la couleur ! »

La branche locale des Croqueurs de pommes a été créée en 1991 et un verger conservatoire a été construit à Jupilles trois ans plus tard. Aujourd’hui il compte 400 arbres et 250 espèces de pommes, poires, prunes, cerises et nèfles. Parmi ces variétés, une cinquantaine ont été sauvées par l’association.
Au verger, le Croqueur Roger Pinault réalise une démonstration de taille des arbres. « Il ne faut pas que les branches se touchent. Les oiseaux doivent pouvoir passer. Surtout, laissez entrer la lumière par le centre de l’arbre. Et n’oubliez pas la règle : si le soleil donne le goût, la lune donne la couleur ! »

Camille Archambault

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