Article Monde Nucléaire

Démantèlement dans l’impasse

Michel Bernard

Depuis un siècle, nous cherchons comment détruire la radioactivité, en vain. Le démantèlement des sites nucléaires et la gestion des déchets se heurtent aujourd’hui à deux obstacles majeurs : une mémoire défaillante et un manque d’argent. La sortie du nucléaire n’est pas pour demain !

Le réacteur Superphénix a été construit entre 1976 et 1986 et son démantèlement a commencé en 1997 après dix ans de pannes. Alors que l’on en est déjà à 20 ans de travaux, les chefs de chantier viennent de découvrir que le bâtiment réacteur est en partie recouvert d’amiante ! Les informations n’ont pas été conservées sur cet aspect de la construction. Il va falloir programmer un long chantier pour enlever cet amiante radioactif.

Des informations cruciales sont perdues

Des terres contaminées sont régulièrement retrouvées sur des sites non référencés par l’Andra, Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs. En 2012, l’agence avait publié une carte recensant 43 sites pollués oubliés (dont 16 en région parisienne). L’Andra suit actuellement un millier de sites en France (filière énergie, mais également recherche, médecine, métallurgie…).
L’utilisation de la radioactivité ne remonte qu’à un peu plus d’un siècle (1), mais la mémoire ne s’est pas transmise et aujourd’hui, on retrouve régulièrement des sites oubliés.
Cela interroge sur le potentiel stockage des déchets radioactifs : comment stocker des déchets à très longue durée de vie (en milliers d’années), quand on voit que malgré notre niveau technologique actuel, on perd les informations en quelques dizaines d’années ?

Personne ne sait comment faire

Les réacteurs nucléaires de première génération (2) ont été arrêtés depuis longtemps, mais le démantèlement se fait attendre. Bugey 1, qui a fonctionné 22 ans de 1972 à 1994 est toujours à l’arrêt, soit depuis un temps aussi long que son fonctionnement. EDF a annoncé début décembre 2016, que la méthode envisagée pour le démontage est abandonnée. Il était prévu un démontage sous l’eau, ce qui semble en fait impossible. Le nouveau scénario étudie la possibilité de faire le démontage à l’aide de robots.
Il est clair aujourd’hui que personne ne sait comment faire.
Pour le moment, la seule tentative réelle de démantèlement concerne le petit réacteur de Brennelis, le seul construit en Bretagne. Mis en service en 1967 et arrêté en 1985, après 18 ans de service, ce réacteur de 70 MW est toujours dans l’attente d’une solution de déconstruction… 32 ans après !
Plus la puissance augmente, plus la radioactivité augmente, donc plus c’est compliqué. Bugey 1, avait une puissance de 540 MW. Superphénix, de 1200 MW. La puissance des réacteurs actuellement en service va de 900 à 1450 MW.
En phase de démantèlement, il faut maintenir sur place environ le quart des effectifs, ce qui a un coût. Qui paiera dans le futur, quand on voit qu’EDF est déjà aujourd’hui au bord de la faillite ?

Michel Bernard

(1) Elle a été découverte par Henri Becquerel en 1896.
(2) Chooz 1, Chinon 1, Saint-Laurent-des-Eaux 1, Bugey 1, réacteurs dits de la filière française graphite-gaz.

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