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Pour ou contre l’éolien… et si c’était plus compliqué que ça ?

Clément Bresciani, François Glaizot

Pourquoi des projets de parcs éoliens sèment-ils la discorde dans certaines communes, et pas dans d’autres ? L’association Les vagabonds de l’énergie a enquêté sur trois projets industriels de petite échelle en Auvergne, en Aveyron et en Ile-et-Vilaine, pour mieux comprendre ce qui se joue localement et quel est l’intérêt du « modèle citoyen ».

Il est indéniable que l’énergie éolienne a un fort potentiel sur le territoire français. Cette énergie renouvelable permet une relocalisation de la production au plus proche du consommateur, fonctionne sans générer de déchets et, malgré son intermittence, doit prendre une part importante du mix électrique.
Cependant, malgré son côté « vert », il ne faut pas faire abstraction des nuisances qu’elle génère : conflits locaux, gêne sonore, visuelle, impact sur l’immobilier, sur le tourisme. Autant de sujets qui animent les débats publics sur la question.
Alors, pour ou contre l’éolien ? Peut-on simplement poser cette question ? Il apparaît, en y regardant de plus près, que les projets de développement éolien sont menés de manière très variée. Pourquoi des projets de parc sèment-ils la discorde dans certaines communes ? N’existe-t-il pas d’initiatives prenant en considération l’impact local en construisant le projet avec les riverains ?

« On nous impose un projet sous couvert de faire de l’écologie »

C’est en ciblant les maires de petites communes que bon nombre de promoteurs arrivent à concrétiser des projets de parc sans réelle consultation citoyenne. L’art d’obtenir un accord le plus rapidement possible en usant d’arguments convainquant s’avère une pratique efficace, bien qu’elle ne fonctionne pas à tous les coups.
Le maire de Lavaudieu, petite commune d’Auvergne, ne s’est pas laissé avoir mais l’expérience reste pour lui douloureuse, avec l’amertume d’un sentiment de solitude face au manque d’accompagnement de l’administration française, et l’impression qu’on lui forçait la main : « Ils me faisaient miroiter des intérêts financiers pour la commune », témoigne-t-il. Les promoteurs jouent la carte de la séduction, insistent sur les objectifs du Grenelle de l’environnement. « Ils ne venaient parler qu’au maire, ne cherchaient pas à parler aux autres institutions, et voulaient aller très vite ». Dans son village, de grosses tensions sont apparues, mettant l’élu dans une situation difficile.
Le président de la communauté de communes de l’époque partage ce sentiment sur beaucoup d’initiatives liées aux énergies renouvelables : « On nous impose un projet, sous couvert de faire de l’écologie (...). S’il y avait eu un débat, si on avait pris le temps, peut-être qu’un projet qui ressemble plus à notre territoire aurait vu le jour ».

« Notre projet n’est pas parfait »

Certains promoteurs plus consciencieux font des efforts pour intégrer les projets éoliens aux territoires. C’est le cas du parc de Castelnau Peygarol, dans l’Aveyron, où l’installateur a proposé aux propriétaires terriens concernés par le parc, en plus du dédommagement locatif, d’investir dans une des éoliennes, leur permettant ainsi de surveiller le parc et de bénéficier de la rentabilité du projet.
Le suivi du parc a également permis de financer au riverain le plus proche, subissant les plus fortes nuisances, une isolation thermique et acoustique de sa maison. Le promoteur l’admet : « Ce projet n’a pas été parfait ». Et malgré une transparence volontaire, l’opposition citoyenne n’a pas été évitée, notamment de la part des habitant-es de la commune voisine, qui n’ont pas pu s’impliquer.

Un parc éolien par les citoyens, pour les citoyens

Existe-t-il simplement des parcs éoliens qui ne soient pas source d’opposition citoyenne ?
Le modèle citoyen, largement répandu en Allemagne, a inspiré la création de l’association Éoliennes en pays de Vilaine. Michel Leclercq, un des instigateurs, insiste sur la complète transparence vis-à-vis des élus et des locaux par la tenue de réunions publiques, de diffusion d’information dans les boites aux lettres et dans les journaux locaux, ce qui a permis que « tout le monde autour du projet connaisse son existence, et puisse y prendre part puisque la porte restait toujours grande ouverte ».
Le projet appartient notamment à plus de 800 personnes ayant rassemblé 2,3 millions d’euros, complétés par des CIGALES (1), le mouvement Énergie Partagée (2) et d’autres acteurs locaux. « L’objectif est que cette ressource locale profite au territoire qui en subit l’impact ». Parallèlement, ce parc finance un salarié travaillant à sensibiliser les habitant-es à la maîtrise de l’énergie. Le parc citoyen de Béganne n’a généré qu’une très faible opposition, rapidement résorbée par le réglage des machines et une attention bienveillante aux réclamations des riverain-es.

Le modèle citoyen a le vent en poupe

Peu de projets de ce genre ont vu le jour en France pour le moment. Cependant, le parc de Béganne a généré un tel enthousiasme que le modèle citoyen fait son chemin dans les énergies renouvelables, sortant du lot d’un peloton d’installateurs privés plus soucieux de leur porte-monnaie que des nuisances générées par leurs installations. L’association propose d’ailleurs son expertise et son accompagnement dans l’élaboration de nouveaux projets similaires en France.

Clément Bresciani et François Glaizot

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