Chronique En direct de nos colonies Nord-Sud

Que cache le réendettement du Congo-Brazzaville ?

Yanis Thomas

Si la justice française enquête sur des membres du clan de Denis Sassou Nguesso dans le cadre de l’affaire des « biens mal acquis », la justice portugaise est de son côté en train de mettre à jour un vaste scandale de corruption autour de l’entreprise brésilienne Asperbras, qui a obtenu des contrats faramineux au Congo-Brazzaville. Un des plus en vue concerne la construction de la zone industrielle de Maloukou, située au nord de la capitale, dont le montant est estimé à 500 millions d’euros. Autres grands projets, la création de douze hôpitaux ou encore l’évaluation du potentiel minier du pays – en sollicitant au passage l’expertise et les données du BRGM français (le Bureau de recherches géologiques et minières, établissement public héritier de toutes les prospections souterraines faites par la France depuis la période coloniale). La facture totale s’élève à plus d’un milliard de dollars. En février 2016, José Veiga, le représentant d’Asperbras au Congo, est mis en examen par la justice portugaise pour corruption, blanchiment et fraude fiscale. Récemment c’est au tour de José Roberto Colnaghi, le président de la société, d’être poursuivi pour corruption et blanchiment d’argent. Au cœur de l’affaire se trouve Gilbert Ondongo, ministre congolais des Finances au moment des faits et aujourd’hui ministre de l’Economie. Les enquêteurs portugais s’intéressent à son appartement dans un quartier huppé de Lisbonne, acquis grâce à un « coup de pouce » de 347 000 euros versés en août 2015 par une généreuse société congolaise… que contrôlait le représentant d’Asperbras au Congo, José Veiga. La compagnie brésilienne a aussi mis à la disposition du ministre une villa à Cascais, une station balnéaire non loin de Lisbonne, dans laquelle la police portugaise a trouvé 3 millions d’euros et 4,35 millions de dollars en espèces lors d’une perquisition en février 2016.
Pour la justice portugaise, ces « cadeaux » au ministre congolais sont probablement un renvoi d’ascenseur en rapport avec les projets mirifiques que la société brésilienne a pu décrocher au Congo. En clair, des rétrocommissions. D’où une interrogation légitime : est-ce que ces projets n’ont pas été sciemment surfacturés, dégageant ainsi une marge pour ces rétrocommissions ? Au final, le coût en serait donc supporté par le citoyen congolais. Ce dernier risque d’ailleurs de payer deux fois : le Congo a annoncé début décembre vouloir lever pour 150 milliards de FCFA (229 millions d’euros) par un emprunt obligataire [1] sur le marché financier de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cemac). Il compte notamment régler par là quelques factures en attentes sur certains des grands chantiers du « bâtisseur » Sassou Nguesso. L’hebdomadaire Jeune Afrique évoque entre autres l’électrification de la zone industrielle de Maloukou et la construction de 12 hôpitaux généraux... Des chantiers dans lesquels Asperbras entend démontrer son savoir-faire.

Yanis Thomas

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