Brève Chronique Fukushima Nucléaire

Façons de parler

Monique Douillet

Une majorité de Français-es pour nommer le triple désastre survenu au Japon en 2011 disent : « Fukushima », tout court. Fukushima désignant un accident survenu il y a un certain nombre d’années dans un lieu géographique lointain qui n’a pas affecté notre vie.
Les Allemand-es plus préoccupé-es par le danger nucléaire emploient « catastrophe ». Ils et elles placent la catastrophe de Fukushima sur le même plan que celle de Tchernobyl et savent qu’on n’en a pas fini.
Au Japon, on dit : « san - ichi - ichi », trois petits mots ! San, traduction de trois (qui correspond à mars), suivi de : un, un, façon d’énoncer onze comme un numéro de téléphone« . Ce trois - un - un résonne comme une copie presque conforme de l’appellation américaine : »nine eleven«  (septembre -onze) ». Dire onze mars, c’est donc situer la deuxième date historique mondiale du XXIe siècle, après onze septembre. Curieusement, l’appellation de ces deux désastres n’est pas datée ! « Tchernobyl » non plus n’est pas daté dans la conversation. Serait-ce pour indiquer que ces évènements marquant le début d’une nouvelle ère ne peuvent pas être circonscrits ?

Les Japonais-es qui ne veulent plus du nucléaire ont créé un néologisme « Genpatsu-shinsai ». Genpatsu est une abréviation de centrale nucléaire et shinsai fait référence au séisme. Cela signifie : "désastre causé par un séisme et par la centrale nucléaire, soulignant bien que ce désastre conjugue le phénomène naturel et l’action de l’homme.
Mais beaucoup de Japonais-es choisissent de nier la réalité et se contentent du terme shinsai.
Constatons que la manière de nommer l’évènement ne sera pas sans effet sur ce que l’Histoire en retiendra et par voie de conséquence, sur les leçons qu’on en tirera. « Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde » disait Albert Camus. En effet, la mise en garde est lourde de sens quand on apprend que le Japon et la France, peu après le 11 mars, sont allés vendre des centrales nucléaires en Turquie, pays sismique s’il en est.
Michaël Ferrier qui réfléchit au devenir de Fukushima écrit qu’il faudra vivre avec les changements qui se trament au quotidien (entre autres les mutations génétiques que nous découvrons déjà). Empruntant au jargon nucléaire, il transfère le terme de demi-vie aux êtres humains dont l’avenir entre désormais dans les calculs de probabilités de ceux qui nous gouvernent en jouant sur les estimations de taux et de seuils (1) supportables ou fatidiques.

Monique Douillet

(1) L’autorité de régulation nucléaire, la NRA, propose d’enterrer des déchets très radioactifs à 70 mètres sous le sol pendant 3 à 4 siècles, sous le contrôle des compagnies électriques, puis sous le contrôle de l’Etat pour les 996 siècles suivants. Une prévision à 100 000 ans ! Quant au seuil admis pour les déchets, il passe sous la barre de 8000 Bq/kg, alors qu’il était de 100 Bq/kg avant l’accident. 80 fois plus.

Une version chronologique détaillée de la catastrophe se trouve sur notre site www.revuesilence.net
illustration 281 anti nuke

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