Brève Alternatives Décroissance Transition

S’engager contre la société de consommation en la désertant

Guillaume Gamblin

À Silence, on est ami-es de la simplicité volontaire… mais de quoi parle-ton exactement ? Entretien avec Romain Muller, qui effectue une recherche de sociologie politique à l’université Lyon 2 sur ce sujet. (1)

Selon lui, la simplicité volontaire n’est ni un système de pratiques, ni une "philosophie" en soi. Pas même un "processus" : en effet, "il y a chez les ’simplicitaires’ autant de gens qui ont changé leurs pratiques vers plus de simplicité (souvent les plus jeunes) que de gens qui ont refusé de changer leurs pratiques au fur et à mesure des ’progrès’ techniques pour conserver la simplicité de leur mode de vie (notamment chez les plus vieux). Chacun-e combine à sa manière ces deux logiques".

Une "arme intellectuelle"

Pour Romain Muller, « la simplicité volontaire s’avère être avant tout un discours structuré permettant de justifier de pratiques qui, sinon, seraient stigmatisées parce qu’à contre-courant de la société marchande. C’est une arme intellectuelle qui permet de défendre ses choix face à celles et ceux qui chercheraient à nous ’remettre dans le droit chemin’ de la culture dominante ».
Les adeptes de la simplicité volontaires se situent souvent dans le registre de l’engagement politique, mais « préfèrent, pour la plupart, agir au plus local et au plus concret plutôt que défendre des idéaux très larges », estime-t-il. L’idée revient souvent selon lui de faire en sorte ’d’être le changement qu’ [ils] veulent voir dans le monde’, selon la maxime de Gandhi et dans un esprit très proche de celui du développement personnel.

Terreaux fertiles

Lorsqu’on parle de simplicité volontaire à Silence, on pense volontiers aux pratiques du ’faites-le vous-mêmes’ et du ’fait-maison’, au fait de cultiver son jardin et réparer ses objets plutôt que les remplacer, ainsi qu’à des styles de vie qui tentent de s’émanciper de certaines addictions technologiques telles que la télévision, la voiture, le téléphone portable, le réfrigérateur…
Romain Muller a pu observer des « terreaux » sur lesquels « la simplicité volontaire germe plus facilement ». D’une part, « les simplicitaires (2) sont en grande partie issu-es des classes "intellectuelles », c’est-à-dire qu’ils et elles tirent beaucoup plus leur richesse sociale de leur culture que de leur argent. Ce constat s’explique assez aisément si l’on considère que le discours simplicitaire vise justement à revaloriser les ’biens culturels et immatériels’ face à l’argent et aux possessions matérielles. D’autre part, la plupart des personnes « partagent une certaine culture politique avant même de s’engager dans une démarche de simplicité volontaire ». De quoi donner envie de poursuivre la réflexion…

Propos recueillis par Guillaume Gamblin

(1) Celui-ci a travaillé avec deux échantillons distincts. Le premier est constitué des interviews publiées dans la rubrique ’simplicité volontaire’ du journal La Décroissance, le deuxième d’une quinzaine d’entretiens plus approfondis avec des ’simplicitaires’.
(2) Celles et ceux qui adoptent et revendiquent adopter une démarche de simplicité volontaire.

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