Brève Chronique En direct de nos colonies Nord-Sud

Où vont partir les stocks de l’armée française ?

Yanis Thomas

Tout se périme, même les armes. Après des décennies de bons et loyaux services, l’armée française a décidé de se séparer du FAMAS, le « Fusil d’Assaut de la Manufacture d’Armes de Saint-Étienne » dont sont dotées traditionnellement ses troupes. C’est le HK 416 de l’entreprise allemande Heckler & Koch qui a été choisi pour le remplacer, suscitant une polémique souverainiste, certains demandant à ce que les soldats français puissent continuer à tuer avec des armes françaises. En réalité, l’enjeu est ailleurs. Car ce renouvellement d’armement n’est pas un cas isolé. Ainsi, le magazine RAIDS (septembre 2016) relate comment, en sus du fusil d’assaut, l’armée de terre va aussi changer ses pistolets semi-automatiques tout comme le fusil de ses tireurs de précision. Ce grand renouvellement touche aussi les véhicules blindés médians, les VAB, Sagaies et autres AMX 10 RC étant prochainement remplacés par le Griffon et le Jaguar. Or une question se pose : que va-t-on faire de tous ces matériels militaires retirés du service ?

Des armes en solde

Deux hypothèses peuvent être avancées. La première est d’aller voir ce qu’en ont fait les autres dans une situation analogue. Aux États-Unis, ce sont les forces de police qui profitent de ces surplus pour s’équiper en matériels de guerre. Notre gouvernement pourrait choisir de suivre cette voie, renforçant d’autant la militarisation croissante des forces de l’ordre. La seconde hypothèse, qui n’est pas exclusive de la première, consisterait à écouler ces engins de mort sur le marché de l’armement d’occasion. C’est une piste mise en exergue dès 2011 dans un rapport d’information de la commission de la Défense et des forces armées de l’Assemblée nationale concernant la fin de vie des équipements militaires. L’intérêt d’une telle démarche est ainsi défini par son rapporteur Michel Grall : «  pour la France, il s’agit certes de céder des matériels dont la possession n’est plus justifiée, mais aussi, le plus souvent, d’accompagner un pays ami, dans une démarche éminemment politique. Ainsi, si le prix des cessions peut être souvent faible, elles sont généralement d’un intérêt politique supérieur. Par exemple, chacun comprendrait aujourd’hui l’utilité de céder à nos alliés du Sahel du matériel permettant à leurs forces armées et de sécurité de renforcer la surveillance de leurs territoires. » Quand on sait que « nos alliés du Sahel  » incluent le pouvoir dictatorial d’un Idriss Déby au Tchad, on voit tout de suite comment des cessions à nos vassaux françafricains pourront contribuer à renforcer des régimes qui bafouent allégrement les droits humains. De plus, il y a fort à parier que les matériels déployés dans le cadre de l’opération Barkhane (allant de la Mauritanie au Tchad) ne revoient jamais le territoire national. Il serait bien moins dispendieux de les laisser sur place, quitte à les céder à titre gracieux au pays d’intervention, que de les réexpédier en France. Le made in France risque de ne pas être perdu pour tout le monde.

Yanis Thomas

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