La vieille doctrine de l’équilibre de la terreur (1) comme stratégie de défense de la paix se consolide au Japon. En témoignent les mesures suivantes prises depuis 2012 :
• Un amendement à la "Loi fondamentale sur l’énergie atomique" qui datait de 1955, discrètement adopté le 20 juin 2012, à l’unisson par le PLD (Parti démocrate du Japon) et le parti New Komeito précise : « Désormais la politique de l’énergie nucléaire du Japon doit contribuer à la sécurité nationale. »
Michiji Konuma, physicien à l’université́ Keio, fait observer que cette déclaration entre en contradiction avec la clause d’utilisation pacifique du nucléaire. Selon lui, ce nouveau texte comble un vide dans la Constitution japonaise, en permettant au pays de se défendre avec des armes dont la nature n’est pas clairement définie. (2)
• La loi de protection du " secret spécial d’Etat " adoptée le 6 décembre 2013 autorise l’extension du délai d’inaccessibilité́ de « tout type d’information interne au gouvernement, relative à la sécurité́ nationale », englobant la communication sur la sûreté́ des centrales nucléaires et les conséquences d’un accident sur les populations. Ces dernières relèvent désormais de la diplomatie étrangère, l’anti-espionnage et la lutte antiterroriste.
• La décision de continuer à financer (20 milliards d’euros) l’usine nucléaire de Rokkasho (clone de La Hague) va dans le même sens. Parallèlement à la fabrication de MOx, elle permettrait d’extraire annuellement une quantité́ de plutonium suffisante pour fabriquer 1000 bombes atomiques !
« En rendant tous les risques acceptables, en niant les effets sanitaires de l’irradiation... en faisant de la technologie nucléaire une ’force sociale’ plus puissante que l’aspiration à la liberté́, en travaillant à la ’grande inversion’ du désastre en remède... le national-nucléarisme fait le choix, quand il le juge nécessaire, d’annihiler la vie au nom de l’intérêt national et de déposséder les individus de leur propre existence et de leur liberté́ au nom d’un supposé intérêt collectif servant de paravent à des intérêts industriels supérieurs. Pour ce faire, cette idéologie légitime et organise la coexistence d’une technologie des plus avancées, avec une profonde régression de la conscience." (3)
C’est pourquoi, malgré l’hostilité de la majorité de la population, le gouvernement japonais refuse d’arrêter le nucléaire. La situation est la même en France.
Monique Douillet
(1) Référence à la guerre froide, ou "la destruction mutuelle assurée" est une doctrine de stratégie militaire de dissuasion nucléaire (qui a opposé l’URSS aux USA).
(2) En cette période de tensions entre le Japon et ses voisins chinois et coréens, ce changement rassure les japonais qui souhaitent modifier l’Article 9 de la Constitution selon lequel le Japon renonce à la guerre comme mode de règlement des conflits internationaux et ne peut posséder de potentiel militaire.
(3) Extrait de l’article de Nadine et Thierry Ribault sous le titre L’infamie gagne du terrain, dans le blog de Paul Jorion, 2014.
Une version chronologique détaillée de la catastrophe se trouve sur notre site www.revuesilence.net