Brève Chronique Dates du féminisme Femmes, hommes, etc.

6 octobre 1979 : « si je veux, quand je veux »

Isabelle Cambourakis

En novembre 2015, Silence a publié une grande affiche couleur intitulée « 100 dates qui construisent nos luttes féministes aujourd’hui ». Chaque mois, cette chronique permet de revisiter une date du féminisme.

Le 6 octobre 1979, plus de 50 000 femmes manifestent à Paris pour la prolongation de la loi Veil. Cette loi qui dépénalise l’avortement avait été votée en 1974 pour une période d’essai de cinq ans, concluant une longue bataille entamée à la fin des années 1950 par les actrices de l’association Maternité heureuse bientôt rebaptisée Planning familial. Au début des années 1970, l’agit-prop menée par les militantes féministes du MLF (Mouvement de libération des femmes) et les pratiques du MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception) avaient permis de rendre visible la situation des milliers de femmes qui subissaient quotidiennement des avortements clandestins en France. Mais cinq ans plus tard, alors que la reconduction de la loi devient un enjeu politique dans un contexte d’élections européennes, le mouvement féministe n’est plus ce qu’il était avant 1974 : divisé en de nombreux courants, occupé à construire des espaces culturels et associatifs, il a d’abord du mal à se réunir pour faire front commun à l’approche de l’échéance de novembre et du passage à l’Assemblée.
C’est alors que le groupe femme des Amis de la Terre convie les actrices du mouvement féministe et du mouvement écologiste à une réunion le 19 juin dans les locaux des Amis de la Terre, rue de la Bûcherie, pour envisager des luttes communes. Mais la mise à l’agenda du réexamen de la loi Veil oriente les débats vers la préparation d’une grande manifestation nationale.

"Notre corps ne sera plus votre capital"

Dès lors et pendant tout l’été, un groupe d’une quinzaine de femmes se lance dans l’organisation matérielle de la manifestation. Beaucoup d’entre elles sont journalistes ou participent à des revues féministes qu’elles mobilisent comme caisses de résonance afin qu’un maximum de femmes puissent venir de toute la France pour manifester dans les rues de Paris. Elles ont en effet décidé que la manifestation serait une "marche des femmes". Cette non-mixité est une première dans la lutte pour la libéralisation de l’avortement et le téléphone du local de « campagne » ne cesse de sonner pour les interroger sur ce choix. La Gueule ouverte, revue écologique fraîchement reconvertie en organe des "mouvements sociaux", est un des médias sur lequel s’appuient les féministes. C’est encore dans ce journal que le groupe d’organisatrices se félicitera de l’incroyable réussite de la manifestation du 06 octobre 1979 : la décennie 1970 se clôt sur la plus importante manifestation de femmes de la période. Il faudra attendre le 25 novembre 1995 pour qu’à nouveau plus de 40 000 femmes occupent la rue pour défendre le droit à l’IVG menacé physiquement par des commandos anti-IVG et plus généralement les droits des femmes régulièrement remis en cause.
Le 1er octobre 2016, ce sont les polonaises qui, après les espagnoles en 2014, ont manifesté dans la rue contre l’interdiction de l’avortement. Elles savent que les interdictions n’ont jamais empêché les femmes d’avorter, elles savent que les avortements clandestins mettent en péril la santé et la vie des femmes.

Isabelle Cambourakis

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