Brève Alternatives Chronique de Reporterre

Une entreprise sans hiérarchie, c’est possible

La coopérative Scarabée Biocoop, qui regroupe cinq magasins, trois restaurants, un snack et un service traiteur bio dans la métropole rennaise, a mise en place en février 2015 un système de gouvernance partagée nommé l’holacratie.

L’holacratie ? Dans ce système développé en 2001 par Brian Robertson, patron d’une société d’édition de logiciels étasunienne, la pyramide hiérarchique est abandonnée au profit d’une organisation horizontale, sans chef ni manager.

Dans les faits, comment ça se passe ? Chaque employé endosse différents rôles, qui correspondent à des tâches jugées indispensables au bon fonctionnement de l’organisation comme encaisser les clients, réapprovisionner le rayon épicerie, passer commande, gérer les fiches de paie, etc. L’employé doit jouir d’une importante autonomie dans ses rôles, qui correspondent à un périmètre de décision et d’action dans lequel il n’a pas besoin de demander validation. Seul impératif : son travail doit servir la « raison d’être » de l’entreprise, la mission qu’elle s’est donnée et qui sert de fil rouge à tous les salariés.

« Il n’y a pas de procédure qui tombe d’en haut »

Les rôles proches sont réunis au sein de cercles autonomes. À Scarabée Biocoop, le cercle « magasin Cesson » gère l’espace de vente ; le cercle « communication, animation, partenariats » (CAP) est chargé de mettre en lumière les activités de la société coopérative... Les décisions sont prises collectivement selon les modalités de la « gestion par consentement » : les propositions sont reformulées en intégrant les objections de chacun, jusqu’au consensus.

En plus de leurs rôles, certains employés sont chargés d’améliorer le fonctionnement holacratique. Les « premiers liens » assument la répartition des rôles et des ressources matérielles dans un cercle. Des managers déguisés ? « Au début, les premiers liens étaient les anciens directeurs, admet la présidente du directoire. Mais depuis septembre 2015, de nouveaux premiers liens ont été choisis par les salariés ». Les rôles ressources, premiers liens mais aussi seconds liens chargés d’apaiser les tensions entre les employés, sont attribués à l’issue d’élections sans candidat : chaque salarié désigne simplement, en argumentant, la personne du cercle qu’il juge la plus apte à remplir cette fonction.

Pourquoi avoir adopté l’holacratie ? « Scarabée Biocoop a beaucoup grandi ces dernières années. L’organisation hiérarchisée du début ne fonctionnait plus », analyse Isabelle Baur.
Cette nouvelle organisation a amélioré l’efficacité de la Biocoop, observe la présidente du directoire : « Il n’y a plus de décisions non appliquées ».

Dans le magasin, les sentiments sont mitigés. Est-ce parce que la transition est toujours en cours — il faut compter deux ans pour achever la mise en place de l’holacratie ? Mickaël, responsable du rayon boucherie et second lien du cercle magasin Cesson, regrette qu’il y ait « beaucoup de réunions ».

« Il y a des gens pour qui le passage à l’holacratie est plus facile que pour d’autres », admet Angélique Cruble, aujourd’hui active au niveau administratif et du laboratoire. Isabelle Baur identifie deux profils particulièrement vulnérables : « les anciens directeurs qui ont du mal à lâcher les manettes » et « les gens qui n’arrivent pas à s’autonomiser ». « On n’a pas été habitués à ce fonctionnement, confirme Mélanie Boulard, qui s’occupe des partenariats et des cours de cuisine . On a toujours eu des parents, puis des profs, puis un supérieur hiérarchique ».

Émilie Massemin
Pour Reporterre

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