Certes, l’arme atomique est consubstantielle à la Cinquième République. Elle en serait même la clef de voute. L’élection du président de la République au suffrage universel a été voulue par le général de Gaulle pour lui donner la légitimité d’appuyer sur le bouton.
Du temps de la royauté, c’était dans une cathédrale que le roi recevait le sceptre, symbole de son pouvoir de vie ou de mort sur ses sujets. Aujourd’hui, c’est à l’ombre de l’Elysée, dans le plus grand secret, que s’effectue le rituel de passation du pouvoir : la transmission des codes d’engagement du feu nucléaire. Le président de la République serait même « transfiguré » lorsque les codes d’engagement de la bombe lui sont remis.
Premier temps, début mars : la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale a décidé la mise en place d’une « mission d’information sur les enjeux industriels et technologiques du renouvellement des deux composantes de la dissuasion ». Rapporteurs : pas de jaloux, un socialiste et un républicain. But : préparer une nouvelle modernisation des armes nucléaires (sous-marins de troisième génération, nouveau missile nucléaire aéroporté, etc.). Mais, vu sous un seul angle : étudier l’impact — forcément positif ! — sur l’économie et l’excellence technologique de la France. En revanche, l’utilité d’une telle arme de destruction massive, les enjeux de la prolifération, les risques d’une utilisation (accidentelle ou volontaire), les coûts environnementaux et sociaux, etc., ne sont pas au programme !
Deuxième temps : jouer sur l’opinion publique, avec la diffusion en mars d’un documentaire (1) et la publication, début mai, du livre Le Président et la Bombe (2), alors que s’amorce une nouvelle campagne présidentielle. Deux outils de propagande atomique comme on n’en fait plus. Avec, au final, une seule préoccupation pour les partisans de la bombe : justifier l’augmentation que le renouvellement va entraîner. De 4 milliards pas an, elles devraient atteindre plus de 6 milliards d’euros d’ici 2025.
Manque le troisième temps : la participation de la France aux débats de l’ONU sur le désarmement nucléaire. Pas d’accord ? Manifestez-vous, dites-le à vos députés (3) !
Patrice Bouveret
(1) La France, le président et la bombe, documentaire de Bruno Tertrais, Jean Guisnel et Stéphane Gabet, diffusé le 22 mars 2016 sur France 5, réalisé par Stéphane Gabet et… l’Etablissement de communication et de production audiovisuelle du ministère de la Défense (ECPAD) ! Voir www.obsarm.org/spip.php?article270
(2) Le Président et la Bombe - Jupiter à l’Élysée, Jean Guisnel et Bruno Tertrais, Odile Jacob, mai 2016, 325 pp.
(3) Voir le modèle de courrier à envoyer aux députés, diffusé par le collectif Armes nucléaires STOP : https://armesnucleairesstop.files.wordpress.com/2016/04/lettre-deputes.pdf
