Brève Chronique Fukushima Nucléaire

La censure, maladie d’un régime autoritaire

Monique Douillet

En 2016, Reporters sans frontières a classé le Japon à la 72e place pour la liberté de la presse. Le pays était à la 11e place avant l’accident de Fukushima. Cette chute suscite de grandes inquiétudes dans le monde.

Jake Adelstein, journaliste américain qui a travaillé de nombreuses années au Japon estime qu’après la dégradation de l’information lors de l’accident nucléaire de Fukushima en 2011, la deuxième étape a été l’adoption d’une loi sur le secret d’Etat par l’administration de Shinzo Abe (1) en décembre 2013. Il est maintenant possible pour l’Etat de poursuivre tout blogueur ou journaliste qui brise ce secret. La peine peut monter jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et dix ans pour les personnes qui ont accès à des informations considérées comme secrètes dans le cadre de leur emploi. De nombreux sujets peuvent entrer dans cette catégorie plutôt vague : la défense nationale comme tout ce qui touche aux centrales nucléaires et à la santé des habitants de la province de Fukushima en font partie.

Dans un article intitulé : « l’hypothèse du génocide nucléaire », Jean-Jacques Delfour (2) écrit que le secret-défense qui entoure la question nucléaire permet de minimiser les conséquences sanitaires des essais nucléaires, des accidents et des rejets continuels des réacteurs nucléaires. Or, l’on sait maintenant que la présence permanente de particules radioactives dans l’air, même à faible dose, peut expliquer en partie la hausse importante de certaines maladies comme le cancer.

Arnie Gundersen, expert nucléaire américain, dénonce les pressions officielles qui empêchent les médecins de parler. Il rapporte des cas de pieds devenus noirs (mauvaise circulation du sang), de cheveux tombés, de furoncles, de sang dans les poumons… qui sont autant de signes d’une contamination radioactive. Il a entendu des rumeurs de hausse de mortalité chez les enfants, mais n’a aucun moyen de le vérifier. Il rappelle que 60 millions de Japonais vivent en zone contaminée.

David Kaye, rapporteur spécial de l’ONU pour les droits de l’homme s’étonne des obstacles que rencontrent les journalistes pour mener des enquêtes en particulier dans le domaine nucléaire. Il considère comme illégale la loi sur le secret votée en 2013 et qui bloque des informations cruciales sur le nucléaire ou la gestion des catastrophes.

Enfin, dans un rapport alarmant remis aux autorités le 27 avril 2016, l’AIEA (3) relève que les inspecteurs dépendant de l’Autorité de régulation nucléaire japonaise ne sont pas autorisés à intervenir à l’improviste dans les centrales ! Ils peuvent les visiter, mais non se faire remettre les correspondances entre les dirigeants ou se plonger dans les rapports internes. Au Japon, une inspection dure en moyenne 168 heures contre 2000 heures aux Etats-Unis.

(1) Actuel Premier ministre (parti libéral démocrate)
(2) Professeur de philosophie. Voir le blog de J.Jacques Delfour sur Mediapart.
(3) Agence internationale de l’énergie atomique, agence des Nations unies faisant la promotion de l’énergie nucléaire dite civile.

Monique Douillet

Une version chronologique détaillée de la catastrophe se trouve sur notre site www.revuesilence.net

Silence existe grâce à vous !

Cet article a été initialement publié dans la revue papier. C'est grâce à vos abonnements et à la vente de la revue que nous pouvons continuer à proposer des alternatives à la société consumériste et destructrice actuelle. Sans publicité, sous forme associative, notre indépendance et notre pérennité dépendent de votre engagement humain et financier !

S'abonner Faire un don Participer