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Grands Voisins, un laboratoire du vivre ensemble

Marie Astier

L’ex-hôpital Saint-Vincent-de-Paul, encore l’une des plus grandes maternités de Paris il y a quelques années, est désormais un « lieu d’occupation éphémère ».

Ressourcerie, manufacture, café, cantine solidaire, foyer de migrants, centre d’hébergement d’urgence et de réinsertion… un millier de personnes, résidents, locataires, travailleurs et étudiants y vivent et y travaillent dans une ambiance villageoise. Bienvenue aux Grands Voisins.
Les derniers services de l’hôpital ont fermé fin 2011. Bientôt, tout sera détruit ou réaménagé pour devenir un écoquartier, mais les travaux commenceront au mieux mi-2017, plus probablement à partir de 2018. Alors, en attendant, l’AP-HP (Assistance publique – Hôpitaux de Paris) a confié la gestion des locaux à l’association Aurore. En tout, seize bâtiments, répartis sur 3,4 hectares, le long de l’avenue Denfert-Rochereau, dans le 14e arrondissement de Paris. Foyers d’urgence ou de réinsertion, Aurore a installé près de 600 personnes en situation précaire, avec l’association Coallia, qui gère le foyer de travailleurs migrants.
Pour s’installer ici, trois conditions : accepter de remettre en état soi-même son espace de travail, participer à l’animation du lieu, contribuer aux frais de fonctionnement. En tout, près d’une quarantaine d’entreprises et associations, soit environ 150 salariés, se sont installées au cours des derniers mois.
La Lingerie propose une programmation culturelle et est un lieu de vie ouvert à tous. Un espace dédié aux enfants attire les familles du quartier. Dans le petit jardin, certains hébergés ont déjà débuté la construction d’une serre.

« Pour l’instant, on ne se mélange pas trop, on observe »

Dix artisans se partagent la Manufacture Pasteur (céramistes, bijoutier, artisan du métal et du bois, graphiste, etc). Rendez-vous à la Lingerie pour la distribution de la Cantine solidaire. Plat à 5 euros, entrées et desserts à 1,5 euro. Le tout est préparé, livré et servi par les travailleurs en insertion d’Aurore.
Pourtant, ce jour là, les seuls hébergés présents à la Lingerie sont ceux derrière le comptoir, qui travaillent à la cantine solidaire. « L’idée est qu’ils y reviennent à d’autres moments pour prendre un café, espère Sébastien Juin, qui supervise ce dispositif pour l’association Aurore. Sur les 600 personnes qui vivent dans les centres d’hébergement du site, il y en a dix qui vont venir spontanément ici. Il faut réussir à intégrer aussi ceux qui sont le plus loin. Ça peut être violent, les gens peuvent se sentir stigmatisés, car la pauvreté, on la porte sur soi ».

Le travail, la voie d’insertion qui réussit le mieux

Le travail semble être, finalement, la voie d’insertion qui réussit le mieux. La Conciergerie solidaire fournit toute une gamme de services nécessaires au bon fonctionnement du site : ménage, entretien des voiries et donc cantine. « Quand les hébergés travaillent, ils rencontrent les locataires de bureaux sur le site, raconte Sébastien. Ensuite, les gens se reconnaissent, se disent bonjour en s’appelant par leur prénom, il y a un effet village ».
Un conseil des voisins, qui se réunit environ tous les deux mois, instaure le dialogue entre tous les locataires de l’ancien hôpital.
« Ici, c’est un laboratoire pour repenser la ville, poursuit Sébastien. Il y a plein de gens de tous les horizons, on se demande comment faire pour qu’ils se croisent, et une équipe s’y consacre. Alors que dans les quartiers, d’habitude, qui s’en occupe ? Les politiques ne s’y intéressent pas forcément. »

Marie Astier

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