Article Formations non-violentes Paix et non-violence

Ateliers pour prévenir les violences à l’école, dans les familles

Yvette Bailly

La violence est fréquemment liée au déni de l’altérité de l’autre, de sa différence. Elle témoigne très souvent d’une impossibilité de gérer la frustration. C’est pour cela qu’en prévention de la violence le MAN intervient auprès des élèves sur le respect de la différence, sur la tolérance. Il fait aussi des interventions dans le cadre du soutien à la parentalité en accompagnant les parents.

Quelle entrée en matière pour un atelier dans une classe ? Violence, agressivité,
conflit, non-violence, paix… : avant de réfléchir et de définir d’une façon intellectuelle ces différents concepts, laissons chacun parler avec ses « tripes » son imaginaire, voire même son inconscient.

Le photo-langage pour entrer en matière

Zoom sur un atelier dans une classe de 2de : Une quarantaine de photos en couleur et en noir et blanc sélectionnées à l’avance sur des scènes de vie de tous les jours, sont installées par terre, chacun va prendre le temps de les regarder et de choisir celle qui pour elle ou lui représente le mieux « la violence », ensuite chacun va dire à tour de rôle pourquoi il a choisi cette image, et en quoi celle-ci (la scène décrite, les couleurs, les attitudes, la symbolique, l’esthétique…) est pour lui associée à la violence. Ce jour là, une élève a choisi une scène de violence conjugale en présence d’un enfant, un autre élève a choisi une photo où deux chiens noirs identiques sont enchaînés à côté de deux chiens blancs différents en liberté. Cet outil du photo-langage est une bonne entrée en matière pour les ateliers.

Prendre conscience de la portée des paroles

Lors des interventions du MAN sur la prévention de la violence auprès des élèves de classes de 5e, l’objectif est de travailler sur la différence, la tolérance, le respect des autres et notamment la prise de conscience de la portée des mots et des paroles. Il y a en effet une banalisation des moqueries, insultes, agressions verbales, qui ne sont plus perçues comme une violence à autrui. Il y a besoin de lutter contre toutes les formes de harcèlement afin d’améliorer le climat scolaire. La violence physique, même si elle est relativement rare, est parfois présente et semble être le seul moyen de répondre aux agressions verbales accumulées pour un certain nombre d’élèves.

Le baromètre de la violence

Nous intervenons pendant 2 heures par demi-classe de 15 élèves, afin que chacun puisse avoir le temps de s’exprimer. Après avoir créé un climat de confiance, à partir de petits exercices et de mises en situation, nous essayons de mettre des mots sur les émotions, les nôtres et celles des autres, sur les mots qui font mal et ceux qui font du bien, qui apaisent les tensions.
Avec le baromètre de la violence, chacun se positionne sur ce qui est violent pour lui, ou non, en fonction de phrases bien précises. Nous expérimentons par des exercices de confiance que le regard peut être bienveillant. Très souvent en effet les tensions commencent par un regard vécu comme une agression, comme menaçant.
Les exercices de confiance et de mise en situation permettent d’expérimenter d’autres attitudes que celles dont on a l’habitude. Écouter les avis des autres, notamment dans l’exercice sur le baromètre de la violence permet concrètement de voir que tout le monde ne vit pas de façon identique une même situation. Petit à petit cela apprend la tolérance et le respect des autres.

Des interventions interactives
Les interventions du MAN sont sous forme interactive, à partir de différents jeux, exercices, saynètes et mises en situations. Sont évoquées des situations de conflit en classe, au lycée, et aussi à l’extérieur notamment dans l’espace public. Le respect et la confidentialité sont proposés comme règles de fonctionnement pour poser le cadre de l’animation. Les exercices de confiance et de mise en situation permettent d’expérimenter d’autres attitudes que celles dont on a l’habitude.

Très peu de mots pour exprimer leurs émotions

La plupart des élèves participe bien. Ils apprécient l’aspect interactif et ludique qui permet ensuite des échanges très sérieux entre eux, souvent en lien avec ce qu’ils vivent au quotidien.
Pour l’exercice avec les étiquettes sur les émotions, certains possèdent très peu de mots pour exprimer ce qu’ils ressentent. D’autres sont plus à l’aise pour le verbaliser. Un exercice sur les dessins dont l’objectif est de décrire la situation et de faire des hypothèses sur le ressenti de chaque personnage, permet pour certains élèves une mise à distance, et ensuite une identification au vécu des différents protagonistes. Les élèves prennent facilement la parole. Cet outil permet de distinguer les faits, les opinions, les sentiments. L’exercice précédent sur les émotions est utile pour enrichir le vocabulaire lors de l’échange sur les situations.
Le baromètre de la violence est toujours un exercice qui permet des positionnements personnels assez différenciés les uns des autres, avec une phase d’explication plus ou moins rationnelle sur sa position. Le temps d’échange permet d’expérimenter ses propres capacités d’écoute, de respect de l’avis des uns et des autres, et de réaliser concrètement que tout le monde ne vit pas de façon identique une même situation. Petit à petit cela apprend la tolérance et le respect des autres. Cet exercice souligne aussi la difficulté à être authentique, à créer de la confiance, parce qu’il est plus habituel de se moquer, ou de ricaner. Certains ont pu dire leur souffrance d’être la risée de leurs camarades, certains ont confié des difficultés plus personnelles ou familiales.

Résoudre un conflit d’une façon positive

Le MAN réalise également des ateliers auprès d’élèves de 2de, sur l’initiation à la régulation non-violente des conflits. Avec plusieurs objectifs : clarifier les concepts et différencier la violence, le conflit et l’agressivité ; réfléchir aux différentes attitudes face à un conflit et à leurs conséquences ; prendre conscience de l’importance de la communication ; prendre conscience de sa part de responsabilité dans l’évolution des situations de conflits.
Il s’agit de faire face au conflit, de se faire respecter, de respecter l’autre, d’inventer des solutions gagnant/gagnant.
La communication non-violente essaie d’éclaircir les incompréhensions en se centrant sur les émotions et les besoins : une situation nous fait vivre une émotion qui nous renseigne sur nos besoins. Lorsque nous pouvons identifier cela, nous sommes en mesure de formuler une demande. Il en est de même pour l’autre protagoniste du conflit.
Les élèves réduisent souvent la violence seulement aux coups, à la violence physique, nous échangeons avec eux sur toutes les formes de violence : physique, psychologique, structurelle, culturelle.

Jeux de rôle

Deux élèves face à face incarnent chacun un personnage.
Première séquence : un élève s’adresse à un professeur, en disant la phrase suivante : Je ne peux pas rendre mon devoir aujourd’hui, j’ai eu des problèmes de famille ce week-end. Il expérimente plusieurs façons de dire la phrase : avec colère, avec tristesse, avec énervement, avec calme. Le personnage professeur ne répond rien, il est à l’écoute de ce que ces différentes façons de s’adresser à lui, lui font vivre.
Deuxième séquence : un élève s’adresse à un autre élève : même consigne avec la phrase : maintenant tu me rends mon téléphone portable.
Troisième séquence : un parent s’adresse à son enfant : tu arrêtes cet ordinateur et tu viens à table.
Dans le débriefing, l’élève qui jouait le parent a expérimenté comme la position de parent est difficile à incarner. Un autre élève qui est souvent agité, a expérimenté que dire une phrase avec calme et détermination peut être plus efficace que l’énervement.

Soutien à la parentalité

Dans le cadre du soutien à la parentalité, le MAN propose des exercices sur la bonne distance. Nous rencontrons des mères qui entretiennent une relation de fusion avec leurs enfants, notamment leur fils, il n’y pas eu de travail de différenciation. Elles ont tendance à toujours défendre leur enfant, même lorsque celui-ci commet une bêtise, ou a tort. Cela renforce la toute puissance de l’enfant, qui n’est pas en mesure de supporter le cadre, la contrainte et la frustration. Là aussi nous travaillons à partir de saynètes de la vie quotidienne, comme demander à un jeune de rentrer avant 22h, dire à un enfant d’arrêter de jouer à la console de jeux pour venir manger. L’objectif est d’inciter à expérimenter des nouvelles façons de faire.
Dans l’éducation, il est aussi important d’être en empathie avec son enfant, écouter ses besoins, d’accueillir ses émotions, que de poser un cadre, des limites qui rassurent et structurent la construction de sa personnalité. Ces deux éléments sont déterminants dans la prévention de la violence.

Pour aller plus loin
■■ MAN-Lyon, Mouvement pour une Alternative Non-violente,
187, montée de Choulans, 69005 Lyon, tél : 04 78 67 46 10,
www.nonviolence.fr.

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