Brève Dossier Alternatives Finances et économie solidaire

Coopératives : obstacles, contraintes et initiatives

Michel Bernard

La question de la croissance des structures alternatives ne peut pas se penser en dehors d’un contexte plus général. Celui-ci impose des contraintes que des structures arrivent ou non à contourner.

Alors qu’en Allemagne, les compagnies électriques se multiplient (1), la coopérative française Enercoop, née au niveau national, a du mal à se décentraliser dans un cadre légal très contraignant. Si la production peut être décentralisée, ce n’est pas encore le cas de la distribution. De fait, Enercoop est lancée dans une course à la croissance, une arme politique pour changer de politique énergétique.
Les contraintes du milieu financier imposent à la Nef, future banque éthique, de réunir un capital très important. Avec près de 40 000 coopérateurs, elle est en passe d’atteindre ce seuil. Consciente de la nécessité de faire vivre sa structure, la Nef consacre beaucoup d’énergie à élargir le débat auprès de tous, on l’a vu. Mais si un millier de personnes sont actives… cela en laisse 39 000 dans une position passive (2).

Des coopératives qui se limitent

Pour freiner sa croissance, Ambiance Bois a par exemple limité un temps sa zone géographique d’action. Oxalis, coopérative d’activité pour accompagner les porteurs de projet, s’est régionalisée pour ne pas dépasser certains seuils et a mis en place une méthode de réunion horizontale, efficace jusqu’à une centaine de personnes (3).
Existe-t-il des coopératives de production économiquement stables ? Nous n’en avons pas trouvé. Toutefois, il en existe dans d’autres formes de coopératives. Là aussi, ce sont parfois des contraintes extérieures qui l’imposent : par exemple, une coopérative d’habitants, dans un immeuble, ne peut pas grandir, une coopérative qui gère des jardins partagés s’arrête de grossir quand toutes les surfaces sont cultivées…
Des coopératives de consommateurs ont fait le choix volontaire de ne pas trop grossir. Nous avons connaissance de deux cas : Alter-Conso, à Lyon, une sorte de super-AMAP qui travaille avec un réseau de producteurs, a fait le choix de ne pas dépasser 700 familles (4). Quand ce stade a été atteint, elle a aidé à mettre en place une autre coopérative. A Ajaccio, Court-Circuit, un groupement d’achat, a fixé une limite beaucoup plus basse à vingt familles et a déjà participé à la constitution de deux autres groupes locaux (5).
Dans l’optique d’une société qui tend vers plus de sobriété et se donne comme objectif de combattre les formes de domination, ce débat sur la taille de nos structures doit se poursuivre.

Michel Bernard

(1) Près d’un millier appartiennent à des citoyens.
(2) Le fait que les questions financières sont souvent difficiles à comprendre n’aide pas à la participation.
(3) Voir Silence no 373
(4) Alter-Conso, 61, avenue des Bruyères, 69150 Décines, tél : 04 72 04 43 02, www.alter-conso.org
(5) Voir Silence no 430

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