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Améliorer le stockage de notre électricité renouvelable

Jean-Louis Gaby

Un des principaux arguments ressassés régulièrement, remettant en cause le développement massif de l’éolien et du photovoltaïque pour arriver à 100 % d’électricité renouvelable, c’est que leur production est intermittente, et pas en phase avec les besoins.

Pour faire coïncider production d’électricité renouvelable et consommation, il faut stocker les surplus et les utiliser de manière différée.
Nous avons à notre disposition le stockage de l’électricité dans des stations de transfert d’énergie par pompage-turbinage (STEP ou double barrage). Il s’agit de monter de l’eau d’un barrage inférieur à un barrage supérieur en heure de surproduction et de faire redescendre cette eau — et donc produire de l’énergie — quand la consommation le demande. La technique est couramment utilisée à grande échelle, car elle est d’un faible coût (environ 50 €/MWh), et que son rendement de stockage est excellent (1).
Cette technique requiert donc d’avoir à disposition deux importants réservoirs de stockage d’eau à des altitudes si possible très différentes et assez proches l’un de l’autre.

Utiliser les barrages existants…

Nous avons déjà en France de telles installations, mais en quantité insuffisante. Faut-il créer de nouveaux barrages réservoirs de stockage avec le risque légitime de rencontrer l’opposition des populations ?
En 2013, une première étude exhaustive de potentiel, basée sur les systèmes d’information géographiques, a été réalisée par l’Institut de l’énergie et du transport de Petten, aux Pays-Bas (2). Elle a été révélée en France par Cédric Philibert, expert de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans son blog où des informations sont disponibles. (3)
Ont été étudiées les possibilités de créer de nouvelles STEP en utilisant les barrages des centrales hydroélectriques existantes, distantes au maximum de 20 km, d’un volume minimum de 100 000 m3, et possédant une différence d’altitude supérieure à 150 m.
Résultat : en Europe, plus de 3000 sites de barrages sont potentiellement utilisables, et en France nous possédons 124 sites, avec un potentiel réalisable de stockage de 506 GWh.

… Et créer quelques réservoirs supplémentaires

Cette étude a aussi chiffré une variante sur les possibilités d’utiliser, en complément des sites des barrages existants, des stockages réduits (4) à créer dans des zones inhabitées, en tenant compte de toutes les contraintes environnementales éventuelles (Natura 2000), des sites protégés par l’UNESCO, et d’autres contraintes.
Ainsi, on arrive en Europe à plus de 4 600 sites de barrages qui sont potentiellement utilisables comme STEP, et en France ce sont 413 sites, avec un potentiel réalisable de stockage de 4090 GWh.
La principale conclusion de cette étude est qu’en Europe le potentiel réalisable de stockage d’électricité est dix fois supérieur aux stockages actuels.
En France, la capacité actuelle de stockage des STEP est de 184 GWh (avec 11 installations). Elle pourrait atteindre 4090 GWh, soit 22 fois plus.
Ces 4090 GWh stockés représentent presque 4 jours de production nucléaire.
Avons-nous besoin d’autant de stockage ?

Un bon mix éolien/solaire limite les besoins de stockage

C’est en hiver que la demande d’électricité est la plus forte. C’est aussi à ce moment-là que la ressource éolienne est la plus abondante. Un bon mix énergétique doit donc comporter plus d’éolien que de solaire. Deux études récentes concluent que le besoin de stockage serait minimum avec 60 % d’éolien et à 40 % de solaire (5)(6).
Pour atteindre 80% de renouvelables, l’Ademe note qu’il faudrait sensiblement quadrupler la puissance de nos STEP existantes (6), ce qui n’implique évidemment pas de quadrupler les volumes de stockage. Soit de l’ordre de 750 GWh. Nous n’aurions donc pas besoin d’utiliser tout le potentiel réalisable.
Les travaux nécessaires pour pouvoir multiplier notre potentiel de stockage sont limités, et la durée de réalisation des centrales éoliennes, photovoltaïques et gaz est inférieure à trois ans, aussi arrêter nos réacteurs en moins d’une dizaine d’années est réalisable techniquement. Le coût de l’électricité produite avec ce scénario étant meilleur marché que celle produite avec la filière nucléaire, tous les arguments sont maintenant réunis pour pouvoir approcher rapidement les 100 % d’électricité renouvelable.

Jean-Louis Gaby

Ingénieur, ancien artisan solaire
Administrateur du Réseau « Sortir du nucléaire »
Solaire2000@wanadoo.fr

Ailleurs en Europe

C’est l’Espagne qui possède actuellement la capacité existante de stockage en STEP la plus importante d’Europe, dépassant même la Suisse. Elle est actuellement 8 fois plus importante que celle installée en France qui arrive en troisième position.
C’est vraisemblablement un des éléments qui ont permis en 2013 à l’Espagne de produire 42,4 % de son électricité à partir de renouvelables, car elle peut stocker en masse sa production éolienne.
Elément de comparaison, cette même année en France on était à 20,7% d’électricité renouvelable dans notre consommation.

Economiser l’énergie

Les calculs fait par l’ADEME supposent le maintien de notre consommation électrique. Des scénarios plus ambitieux comme Négawatt prévoient une baisse de la consommation. Plus la baisse est importante et moins nous aurons besoin de créer de nouvelles retenues d’eau pour y installer des stations de pompage.

(1) De l’ordre de 80 %.
(2) un des Joint Research Centres de la Commission européenne,
http://ec.europa.eu/dgs/jrc/downloads/jrc_20130503_assessment_european_phs_potential.pdf
(3) http://cedricphilibert.net/lenorme-potentiel-du-pompage-hydraulique/
(4) Les STEP n’ont pas besoin de volumes considérables comme les barrages, car leur rôle principal est de stocker l’électricité pour quelques heures ou quelques jours seulement, aussi les surfaces des plans d’eau sont réduites. Ainsi, celles d’un volume minimum de 100 000 m3, nécessitent un réservoir à créer d’environ un hectare.
(5) Solar Energy Perspectives / International Energy Agency 2011.
(6) Etude Ademe d’avril 2015 « Vers un mix électrique 100% renouvelable en 2050 »

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