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HK et les Saltimbanks, musiciens « d’une espèce non protégée »

Danièle Gonzalez, Guillaume Gamblin

Le dernier album de HK et les Saltimbanks en appelle aux « rallumeurs d’étoiles ». De poétiques cousins des « explorateurs d’alternatives » de Silence, n’en doutons pas. Une parenté qui méritait bien une rencontre...

Si vous ne connaissez pas HK, vous connaissez peut-être « On lâche rien », la chanson phare de toutes les manifestations. HK, de son vrai nom Kaddour Hadadi, écrit, chante et s’engage depuis ses 15 ans. Il forme plusieurs groupes (1) avant de réunir celui des « Saltimbanks » en 2009. Et verse dans son hip-hop d’origine de savoureuses doses de reggae, de châabi algérien, de chanson française, d’accents latinos. Quatre albums (2) et une longue suite de concerts de solidarité : Alternatiba, rassemblements anti-nucléaires, les expulsés squattant la place de la République à Paris, le camp de migrants de Norrent Fontes vers Calais, les Arcelor-Mittal de Florange...
Nous rencontrons donc HK, à Lyon, en octobre 2015, juste avant son concert au Transbordeur. Un homme étonnement calme, à une heure du déchaînement d’énergie du concert. Qui parle, non de lui, mais des causes qui lui tiennent à coeur.

« Toxicomanes accros à la croissance »

« Pour moi, la déclaration de Patrick Le Lay sur »le temps de cerveau disponible« , ça a été une clé. Elle m’a rendu évident le fait que, oui, bien sûr, les dirigeants ne veulent pas de gens qui pensent, de façon éclairée. Ils veulent des gens qui consomment. Et donc notre société repose là-dessus, sur la fabrication de consommateurs. »
« Aujourd’hui, si on était trop solidaires, ou trop fraternels, ou juste humains, on nous explique que ça serait grave car on perdrait des points de croissance ! (...) La surface de la planète est finie, les ressources sont finies, nous faire croire qu’on vit dans une croissance infinie, c’est le plus grand mythe de l’époque moderne, qui alimente la compétition entre les nations. On devrait être à la recherche d’équilibres, et non de croissance. Equilibre entre les besoins et les ressources, équilibre dans les partages, équilibre entre les peuples. »

« Sans haine, sans arme et sans violence »

A la facilité des postures de va-t-en-guerre, HK choisit celle, plus exigeante et courageuse, de la non violence. Il nous invite dans le Panthéon des figures qui l’inspirent : Malcom X, Martin Luther King, Gandhi mais aussi Bob Marley qui chantait « War » et dont il suit un peu la même voie : « j’ai choisi un chemin qui est celui de la poésie, des convictions, et je suis musicien, j’utilise des mots, pas des armes (...). Mon credo, c’est la non-violence. L’idée, c’est de tout faire pour être non-violent tant que c’est possible. A d’autres époques, j’aurai pu faire d’autres choix, mais aujourd’hui en France, on a mille et une choses à essayer sur ce chemin ».

« Tant qu’y a d’la lutte y’a d’l’espoir »

HK commente l’incident hyper-médiatisé de la chemise arrachée au DRH d’Air France, en octobre 2015, lors d’une intervention des salariés, durant la réunion annonçant une restructuration accompagnée de 2900 suppressions d’emplois. « On est dans un système cannibale, qui détruit tout, qui annihile tous les acquis sociaux (...) Il s’agit d’un véritable rouleau compresseur qui écrase les gens. Et il faudrait leur reprocher de chercher à arrêter ce rouleau compresseur ? On aurait voulu qu’ils manifestent bien tranquillement, sans qu’on les voit ? (...) La réaction des salariés d’Air France, qui sont dans la survie, est naturelle. Ce sont les dirigeants qui ont entre leurs mains la violence ou la non violence. »
Nous lui faisons remarquer sa place au carrefour de divers univers musicaux, et au croisement de luttes qui sont souvent séparées (écologistes, ouvrières, migrants...), parfois même opposées. Il nous répond par les Fralib. « Les salariés de Fralib, quand on a voulu fermer leur usine, ils l’ont occupée, ils se sont fait molester (d’ailleurs l’Etat français a laissé faire, comme c’est étrange...). Et puis ils ont créé une coopérative et repris l’activité. Mais ils n’ont pas refait comme avant (...) Non, ils ont décidé de relocaliser au maximum leurs approvisionnements, mis en place une filière bio, etc. Donc, c’est une lutte sociale qui se conduit de paire avec un souci de l’environnement, de l’écologie, du tissu économique local, qui cherche des équilibres à tous niveaux. C’est un bel exemple à suivre, qui montre que tout va ensemble. »
Et en effet, la lutte des Fralib est emblématique de la résistance ouvrière contre le capitalisme mondialisé. En mai 2014, après 1336 jours (!) de lutte, les salariés des ex thés Eléphant, près de Marseille, gagnent contre le géant Unilever et démarrent l’aventure d’une SCOP (3) orientée vers des infusions naturelles.

« Nos âmes sur la même longueur d’onde »

HK, saltimbank et nomade, est aussi très engagé auprès des migrants, étrangers, sans papier. Le souci de l’environnement traverse toutes ses chansons et inspire des titres comme « Fukushima mon amour » ou « Niquons la planète » (à prendre au second degré !). Ses combats foisonnent et convergent en une écriture poétique et percutante (4). « L’écriture, pour moi, ça n’a rien de naturel. Au début, quand tu écris des chansons, on ne t’accorde pas vraiment de considération, on ne te prend pas au sérieux. D’ailleurs moi-même, je me disais poète, mais sans y croire, plutôt par provocation. Donc il y a tout un chemin à faire pour se débarrasser des stéréotypes, des étiquettes. C’est là-dessus que je travaille, quand je peux faire encore quelques ateliers avec des enfants. A leur montrer que tout le monde a une histoire à raconter, et que donc tout le monde peut écrire. »
Raconter pour témoigner, utiliser les mots pour faire avancer nos causes : nous sommes bien « sur la même longueur d’onde ».

Danièle Gonzalez et Guillaume Gamblin

(1) D’abord Juste Cause, puis Piece of Salam et enfin Ministère des Affaires Populaires (MAP) qui sera Révélation du Printemps de Bourges 2006
(2) Citoyen du Monde en 2011, où l’on trouve l’emblématique « On lâche rien » ; en 2012 Les Temps Modernes avec le titre « Indignez-vous » en hommage à Stéphane Hessel ; Déserteurs en 2014 qui reprend des titres du répertoire de la chanson française sur des mélodies châabi ; enfin Rallumeurs d’étoiles en 2015, dont le nom est inspiré par un vers de Guillaume Apollinaire.
(3) SCOP, Société coopérative de production.
(4) HK est aussi l’auteur de deux livres, chez Riveneuve. En 2012, J’écris donc j’existe puis Neapolis en 2014.

On peut retrouver HK et les Saltimbanks sur leur site internet www.saltimbanks.fr

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