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En ville, l’arbre est notre meilleur ami

Michel Bernard

Les canicules vont être de plus en plus nombreuses et en ville, on observe des îlots de chaleur qui peuvent augmenter considérablement la température ambiante. De nombreuses municipalités ont commencé à agir pour essayer d’atténuer le phénomène.

Durant la canicule de l’été 2003, en banlieue parisienne les températures flirtaient en journée avec les 40°C. Dans certaines rues de Paris, il faisait jusqu’à 8°C de plus. Un phénomène que l’on appelle « îlot de chaleur ». Cette différence de température est provoquée par l’accumulation de chaleur dans les bâtiments et dans les sols. Les écarts sont encore plus importants la nuit, jusqu’à 10°C d’écart, du fait de l’inertie.
Alors que la température mondiale a déjà augmenté de 1°C sur la planète et de 3°C dans les centres villes, et que les négociations actuelles ne laissent pas entrevoir une inversion de tendance, de nombreuses communes ont mis en place des programmes de recherche pour essayer d’atténuer ces effets d’accumulation de chaleur.

Ville blanche, verte et bleue

Trois moyens d’action ont été identifiés : la possibilité de peindre en blanc les façades et les toits pour renvoyer la chaleur du soleil, le développement de zones vertes arborées soit en parc soit le long des rues, et la multiplication de la circulation des eaux en surface.
Les villes blanches des pays chauds sont bien connues et New York a, par exemple, développé un programme pour peindre les toits en blanc. Cela a toutefois un effet limité (1).
Il a aussi été tenté de végétaliser les toits et les façades. Là aussi, cela favorise bien une baisse de la température, mais c’est généralement coûteux et fragile.
Dans des écoquartiers comme la Confluence à Lyon, à Montaudran Aérospace à Toulouse, à Vienne (Autriche) ou Barcelone (Catalogne) des plans d’eau ont été prévus entre les immeubles (2), des écoulements d’eau de pluie sont maintenus en surface ou même dans le cas de Séoul, une autoroute a été détruite pour redécouvrir une rivière enterrée.
Enfin, la troisième méthode consiste à planter de la végétation partout où c’est possible. Dans le damier de Barcelone, plusieurs grandes rues ont été piétonnisées avec plantation de végétation sur trois niveaux : herbe, arbustes, arbres. Des carrefours ont été transformés en petits parcs.
A Montréal (Québec), un programme de plantation d’arbres est en cours le long des rues qui en sont dépourvues. A Rennes, des essais de végétalisation ont été réalisés dans des cours intérieures… Plusieurs villes ont profité de l’installation du tramway pour végétaliser son parcours.
Les comparaisons entre ces différentes méthodes montre que c’est la plantation d’arbres qui est la plus efficace (le bénéfice peut atteindre 6°C) (3) .

Limites d’adaptation

Reste quelques problèmes : un arbre de grande envergure va mettre entre 25 et 50 ans pour atteindre sa taille adulte… avec le risque qu’entre temps, le climat ait tellement changé que l’arbre ne résiste plus. A Montréal, 10 % des arbres (les frênes) ont été attaqués par un parasite dont l’apparition est liée à la hausse des températures.
Les arbres sont efficaces mais sur une distance limitée : des thermographies montrent que l’effet s’estompe au-delà de 100 m.
Comment concilier la mise en place d’un réseau assez dense de végétation avec des arbres de grande taille, avec la volonté de densifier la ville et donc les bâtiments ? Cela passe principalement par la reconquête des espaces occupés par l’automobile en espaces verts : suppression de places de stationnement, diminution de la largeur des chaussées, piétonnisation de rues… (4). Il n’est guère envisageable de toucher au bâti.
Marseille réalise un parc traversant tout un quartier (parc du vallon des Aygalades) (5). Rennes a adopté un plan d’occupation des sols qui prévoit de laisser en terres agricoles des parcelles proches du centre-ville ainsi que des zones de loisirs pour limiter les aller-retour à la campagne le week-end et donc limiter l’usage de la voiture.
Pour densifier à la fois le nombre de personnes et le nombre d’arbres, pas mal d’écoquartiers en construction misent sur de grands immeubles insérés dans des zones de verdure. L’équilibre reste encore à trouver car plus les immeubles sont hauts, plus ils consomment de l’énergie (ascenseurs, surpresseurs pour l’eau…).

Faute d’arriver à contrôler notre consommation et donc nos émissions de gaz à effet de serre, nous sommes condamnés à réfléchir à l’adaptation à la chaleur. Les solutions testées dans différentes villes sont assez efficaces dans les nouveaux quartiers, mais elles restent limitées dans les zones déjà urbanisées… à moins d’avoir le courage de commencer par y supprimer la voiture individuelle.

Michel Bernard

La climatisation, facteur d’injustice sociale

Avec ces pointes de chaleur, de nombreux bâtiments sont maintenant équipés de climatisation, particulièrement les immeubles de bureau. Or, la climatisation — qui consomme beaucoup d’énergie — en rejetant la chaleur intérieure vers l’extérieur contribue à augmenter les effets d’îlots de chaleur. Dans les logements neufs, les normes actuelles permettent, par une bonne isolation, de se passer de la climatisation, ce qui n’est pas le cas dans les bâtiments plus anciens. Or, le renouvellement d’une ville étant très lent, à chaque canicule, les plus riches s’équipent de climatisation au détriment des plus pauvres qui eux récupèrent cette chaleur supplémentaire (6).

Villes et changement climatique
Îlots de chaleur urbains

sous la direction de Jean-Jacques Terrin

Ce livre conçu à partir d’une rencontre internationale entre chercheurs dans ce domaine, présente des initiatives prises dans les villes de Barcelone, Lyon, Marseille, Montréal, Nantes, Rennes, Rome, Stuttgart, Toulouse et Vienne. On pourra y trouver des données chiffrées précises sur les différentes techniques blanches, vertes ou bleues. Il est clair que nous n’en sommes encore qu’au début des recherches, mais cela ouvre la réflexion sur de nombreuses autres pistes de recherche . Une bonne introduction pour ceux et celles qui s’intéressent à l’urbanisme de demain et à cette question climatique.
Ed. Parenthèses (Marseille), 2015, 288 p. 22 €

(1) C’est efficace pour le dernier étage de l’immeuble, mais moins pour l’extérieur : moins de 1°C de bénéfice au niveau de la rue.
(1) On peut s’interroger sur une autre conséquence de ces plans d’eau stagnante : le risque de pullulation des insectes porteurs de maladies tropicales comme le moustique tigre !
(3) Les arbres sont des feuillus, afin qu’en hiver, après la perte des feuilles, ils laissent passer un maximum de lumière et de chaleur au moment où c’est un bénéfice.
(4) Mais comme les nouvelles constructions intègrent des parkings en sous-sol, le plus souvent, cela compense la perte de places de stationnement en surface. C’est notamment ce qui se passe à Lyon.
(5) A la place d’une ancienne gare de triage.
(6) Marseille a prévu dans le nouveau quartier Euroméditerranée, que climatisation et chauffage soient assurés par un réseau de chaleur qui capte ou rejette la chaleur directement en mer. Mais seules les villes côtières auront cette possibilité. Et comme toute solution de haute technologie, on peut s’inquiéter de la durabilité de telles installations.

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