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Molenbeek, un nid de terroristes. Cette commune est le lieu d’une belle alternative

Julie Lallouët-Geffroy

Molenbeek, quartier populaire de l’ouest de Bruxelles, est le plus dense de la capitale belge avec 100 000 habitants. Le revenu moyen n’excède pas les 9000 € par an et la population immigrée est très présente. A sa limite Est se trouve une ancienne friche ferroviaire que la région a voulu réhabiliter main dans la main avec les habitants. Le résultat de l’aménagement de cet espace vert de cinq hectares, Parckfarm, est saisissant. L’autogestion organisée par l’administration tranche avec les pratiques habituelles des pouvoirs publics sur la démocratie participative et l’implication des citoyens.

Les sans-abris, intégrés à la vie du parc

A lire la presse en ce moment, Molenbeek évoque un quartier laissé à l’abandon : désindustrialisation, taux de chômage élevé, trafic de drogues, déscolarisation.
A l’inverse, le parc est une respiration où des populations très contrastées se côtoient, les salariés en costard-cravate qui vont travailler dans les bureaux avec les populations immigrées qui vivent dans le quartier. Une mixité qui s’étend aux personnes sans-abri, qui n’ont pas été exclues et, au contraire, intégrées à la vie du parc. Présents depuis une dizaine d’années, avant même l’aménagement du parc, ils jouent aujourd’hui, de fait, un rôle de gardiens de nuit, prévenant les dégradations, le parc restant ouvert 24 h/24.
Parckfarm ne se compose pas d’un simple carré de pelouse, on y trouve un poulailler, des potagers, des ruches, un four à pain, une vaste table de pique-nique et une serre vitrée aménagée pour que l’on y cuisine et mange.
L’ensemble de ces nouveaux équipements est esthétique ; il est le fruit d’une biennale de design en 2014, Parckdesign. « Ce qui est beau est respecté », c’est la ligne que s’est fixée Martine Cantillon-Cuillier, en charge du projet au sein de Bruxelles environnement, et de fait, aucune dégradation n’est à déplorer depuis la création du parc.

Les habitant-e-s sont aux manettes

Après la biennale, les habitants ont créé une association pour prendre le relais et gérer seuls les équipements et l’animation de l’espace. Aujourd’hui, Bruxelles environnement n’a plus qu’un rôle de financeur et de coordinateur.
Les cinq hectares d’espace vert sont aussi un lieu d’échange. Des ateliers gratuits sont proposés chaque semaine. On y apprend à reconnaître les plantes, à les cultiver et à les cuisiner.
Des visites guidées du parc sont organisées pour les touristes, les habitants d’autres quartiers, ainsi que pour des personnes fraîchement arrivées dans le pays qui souhaitent apprendre la langue française. Mustapha est très impliqué dans ce parc d’un genre nouveau. « Là, j’emmène un groupe d’étrangers faire du pain. Comme ça, ils ne restent pas qu’entre eux et dans une salle de classe ».

Comment laisser la place à tout le monde ?

Entre les usagers, les différences sont nombreuses. Pas simple pour tout le monde de s’exprimer en public, de prendre une décision au consensus. Il y a un fossé entre ceux qui sont rodés au fonctionnement associatif et les habitants qui sont prêts à s’investir mais ne savent pas manier le papier administratif et le dialogue institutionnel. Ces derniers se retrouvent dépassés, les personnes initiées au jeu associatif prennent les devants et les places les plus stratégiques. De manière générale, les populations d’origine turques et maghrébines ont, par exemple, plus de mal à s’intégrer entièrement dans le projet.

Julie Lallouët-Geffroy (Reporterre) avec Espaces possibles, espacespossibles.org

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