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Dirigeables : un rêve envolé

Michel Bernard

Silence a plusieurs fois vanté les dirigeables comme une alternative à certains usages de l’hélicoptère, de l’avion et des camions (1). Mais pour faire voler des dirigeables, il faut de l’hydrogène ou de l’hélium, seuls gaz plus légers que l’air ; or le premier est trop dangereux à utiliser et le second commence à manquer.

Le premier dirigeable a été conçu par un français, Henri Giffard, en 1852. Il faisait 44 m de long.
En 1910, une compagnie commerciale Delag voit le jour en Allemagne. En 1920, un dirigeable anglais de 196 m de long traverse l’Atlantique aller-et-retour à une vitesse moyenne de 61 km/h. Commence alors une course technologique pour développer ce mode de transport. Mais le 6 mai 1937, le dirigeable LZ129 Hindenbourg s’écrase à Lakehurst dans le New Jersey, faisant 35 morts. Cela marque la fin pour longtemps des transports par dirigeable.

Essais de modernisation

Pendant longtemps, les dirigeables sont restés une curiosité. Quelques-uns, de tailles multiples, ont été utilisés comme supports publicitaires.
De nombreux essais de modernisation ont été tentés. La société Cargolifter (Allemagne) a essayé de développer des dirigeables modernes à partir de 1995. Elle a fait faillite en juillet 2002 entrainant 580 licenciements.
Lockheed Martin, société d’armement, a travaillé sur un modèle militaire avec le Pentagone (Etats-Unis) et un vol a eu lieu le 31 janvier 2006 avec un ballon capable de se déplacer à 20 km d’altitude.
La direction générale de l’armement, en France, a testé un dirigeable stationné à Hyères (Var) depuis 2011 : avec 400 m3 pour 5 m de haut et 7 m de large, il sert pour des missions de surveillance des côtes.
Le Royaume-Uni travaille sur un projet mixte SkyCat (Catamaran du ciel) : comme pour un avion, la vitesse de déplacement assurerait une partie de la sustentation (2), ce qui permettrait des volumes moins importants. Il a la particularité d’atterrir sur l’eau comme un hydravion. Un premier exemplaire a été construit en 2000. Un tour du monde de ce prototype a eu lieu en 2003 en 180 jours pour 103 000 km parcourus. Deux autres prototypes ont vu le jour depuis, avec comme objectif de diminuer les coûts de maintenance et la consommation d’énergie. Ils servent pour le moment comme centre de contrôle des côtes pour la marine britannique.
En Allemagne, depuis 1997, la compagnie Zeppelin propose des voyages touristiques en dirigeable (3).
En 2014, parmi les « 34 plans de la nouvelle France industrielle » initiés par le ministre de l’Economie, figurent deux projets d’utilisation de dirigeables : le Stratobus du groupe Thalès à propulsion électrique qui peut rester en vol stationnaire à 20 km de haut et qui est prévu pour remplacer des satellites de communication vers 2022. Il peut aussi servir pour remplacer des satellites d’observation militaire, pour un coût annoncé dix fois moindre que les satellites (4). En 2013, Google a testé cette pratique : c’est le projet Loon pour assurer un accès numérique à des pays qui sont dépourvus de réseaux téléphoniques au sol.
Le deuxième projet français est celui de la société française Flying Whales  baleines volantes »), créée en 2012, qui cherche à mettre au point un modèle capable de transporter 60 tonnes de matériel (les hélicoptères actuels ne dépassent pas 20 tonnes). Essais prévus d’ici 2020. Un contrat est en cours avec l’ONF pour le débardage de coupes de bois dans des zones inaccessibles par la route.

Avantages et inconvénients

Ce mode de transport est économe en énergie : la consommation dépend principalement de la vitesse. Plus on cherche à aller vite, plus la résistance au vent augmente et la consommation d’énergie grimpe alors rapidement. En vol stationnaire, la consommation est proche de zéro, contrairement à l’hélicoptère. Le plus souvent équipés de moteurs électriques, des essais d’enveloppe intégrant des photopiles ont été testés pour assurer une complète autonomie.
Il permet de déplacer de lourdes charges et représente une alternative aux hélicoptères pour la livraison en milieu difficilement accessible.
En cas de panne de moteur, pas de chute rapide comme pour les avions ou les hélicoptères.
Ils peuvent atterrir pratiquement n’importe où (pas besoin de « port » ou d’« aéroport », sauf pour le SkyCat). Ils peuvent stationner dans le ciel très longtemps (pour l’observation par exemple).
Les matériaux d’aujourd’hui limitent les fuites d’hélium, permettent une plus grande résistance aux déchirures.
Les inconvénients sont : le fort volume offert au vent ce qui les rend vulnérables par mauvais temps (actuellement limité lors de vent de plus de 40 km/h) ; ils peuvent être en surcharge du fait de l’accumulation de neige ou de givre ; ils nécessitent des volumes importants (1 m3 d’hélium permet de transporter 1 kg).
Leur vitesse de déplacement la plus rapide est actuellement dix fois moindre qu’un avion de ligne, soit autour de 100 km/h.

Limités par le manque d’hélium

L’hélium est un gaz qui devient de plus en plus rare et donc de plus en plus cher : depuis 2008, son extraction est en crise. Les Etats-Unis sont le principal producteur (75 % de la production mondiale) devant l’Algérie et le Qatar (5).
L’hélium est utilisé dans d’autres domaines notamment dans le milieu médical (il a la particularité de geler à très basse température) et il risque d’être réservé à des usages plus indispensables.
Le seul autre gaz plus léger que l’air est l’hydrogène, mais il a été abandonné à cause de son extrême inflammabilité. L’utilisation d’air chaud, comme dans les montgolfières, n’est pas possible car cela nécessiterait des volumes trop importants.
Limité pour le moment à quelques « niches », on risque fort de ne jamais avoir de développement important des dirigeables. Un bon exemple qui nous rappelle que nos ressources sont limitées et que la technique ne peut pas tout résoudre.

Michel Bernard.

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