Brève Chronique Fukushima Nucléaire

Retours forcés dans les zones évacuées

Monique Douillet

Le gouvernement japonais en a décidé ainsi : les ordres d’évacuation vont être levés avant le mois de mars 2018, sauf pour la zone non récupérable. L’aide au logement va s’arrêter au mois de mars 2017. Quelques communes ayant leur propre politique de soutien des sinistrés prendront le relais.
Examinons la situation à la lumière de ce qui se passe dans la bourgade de Nahara, totalement évacuée après le 11 mars 2011. La commune comptait 2694 foyers et 7368 personnes. Les retours ont été prévus à partir du 5 septembre 2015. Un sondage datant d’octobre dernier, effectué auprès des ex-habitants, avait révélé que 22,9 % ne souhaitaient pas revenir, 30,5 % n’avaient pas tranché, 9,6 % étaient prêts à rentrer, principalement des personnes âgées et 36,1 % étudieraient un retour sous condition.*
Pour passer sous le seuil de 20 mSv (nouvelle limite autorisée), le gouvernement a fait décontaminer les maisons, mais rarement les abords et les jardins et jamais les forêts alentour. Rappelons qu’avant l’accident la limite était de 1 mSv par an. Ceux qui reviennent ne peuvent donc pas ignorer le risque auquel ils s’exposent.
Dès les premiers jours de la réinstallation, les problèmes se sont additionnés : des maisons ont été vandalisées, le barrage de la commune qui alimente l’eau du robinet n’a pas été assaini, mais aucune trace de césium n’ayant été détectée lors de l’inspection de référence, l’eau a été déclarée potable. Il était prévu qu’après 3 ans dans un dépôt provisoire, les déchets pollués seraient transportés dans des lieux intermédiaires, 30 ans au maximum, avant la destination finale (à trouver). Mais faute de solution, ils sont toujours entreposés dans des sacs à proximité des habitations et des écoles. Des plantes y germent et poussent à l’intérieur, déchirant les parois. Nombre de résidents les gardent dans leur jardin, soit en surface, soit enterrés. La situation s’est banalisée. Même à la télévision, après la météo, on présente le journal de la radioactivité !
Dans les zones de réinstallation, on passe d’une surveillance territoriale à un contrôle individuel. Les résidents sont incités à suivre leur exposition à partir de dosimètres portatifs personnels. Ces enregistrements tendent à sous-estimer l’exposition réelle, car ils ne tiennent pas compte de l’ingestion/inhalation et n’enregistrent qu’une partie de la radioactivité ambiante, même lorsqu’ils sont portés en continu (ce qui n’est pas toujours le cas).
Dans plusieurs villes les habitants prennent les affaires en mains. Ils mesurent la radioactivité en voiture, à vélo, à pied et à différentes hauteurs adaptées aux enfants, à partir d’appareils reliés à des GPS. Des cartes sont mises en ligne et partagées. Ils mesurent aussi celle des sols et analysent des aliments. Une base de données des centres de mesure citoyens Minna no data (version anglaise) existe depuis octobre 2014. Chacun peut consulter les résultats d’analyses en cours, ou les débits de dose dans l’air ambiant. Ces équipements coûtent très cher. Néanmoins des données multiples sont indispensables, car reconstituer son niveau d’exposition est un véritable casse-tête.

Monique Douillet

* Source L’ACROnique de Fukushima.

Ces informations sont extraites de la conférence de Kurumi SUGITA, chercheuse au CNRS retraitée, et de Marie Augendre, MCF géographie, U. Lyon 2, coordinatrices d’un projet financé par le CNRS. (Cette conférence a été organisée par Les Amis de la Terre Lyon le 1er octobre 2015.)
Certains éléments proviennent de leur étude inédite : Déplacés et Indécis laissés à eux-mêmes depuis l’accident de Fukushima (DILEM). Rapport annuel, 2013.

Une version chronologique détaillée de la catastrophe se trouve sur notre site www.revuesilence.net

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