Dossier Agriculture biologique Alternatives Permaculture

Figues bio de Baho

Michel Bernard

En ce matin d’août, nous sommes en pleine récolte des figues. Danielle Batard nous reçoit dans son verger où, tout en répondant à nos questions, elle trie, calibre et emballe la récolte de la matinée.

Danielle Batard a occupé un poste de gestion administrative dans l’Education nationale à Nantes, dont elle est originaire. Même si son travail à la faculté était vivant, elle avait un rêve : devenir paysanne et cultiver des arbres fruitiers. Elle découvre un fruit oublié avec une niche commerciale intéressante : la figue. Une documentation complète sur la figue lui est offerte par un universitaire bordelais passionné par ce fruit. La lecture de ces documents la conforte dans son choix.

En 1998, à 47 ans, elle suit une formation agricole au centre de formation professinnelle pour adultes de Moissac pour se reconvertir. Elle trouve un stage dans la région de Perpignan et, malgré le vent, c’est le coup de cœur. Mais s’installer est particulièrement difficile. Elle découvre la jungle administrative agricole, constate que la SAFER ne lui propose que des terrains qui ne conviennent pas. C’est finalement en passant une annonce dans la presse agricole locale qu’elle rencontre un agriculteur qui lui vend un verger de figuiers, à l’écart de la pollution des routes, et, aujourd’hui, près d’une ferme éolienne. Elle emprunte et se lance dans l’aventure avec 3, 4 ha de terrain. Handicap initial : le verger était conventionnel et elle devra se passer du label bio pendant les trois premières années, le temps de la reconversion.

Recherche d’un créneau commercial

Tout de suite, Danielle pense à la transformation pour s’ouvrir un marché original. Elle crée une gamme de produits : des confitures, dont une aux noix, de la purée, de la compote, du nectar, de la moutarde, du chutney, des figues mi-confites… Elle invente le fig’aigre, une préparation vinaigrée à la figue. Elle vend sur quelques salons bio. Elle met en place des dégustations-ventes dans les magasins bio de la région, en Bretagne, en région parisienne et en Alsace. Elle se crée ainsi progressivement une clientèle, mais continue à avoir du mal à tout gérer : culture, récolte, transformation, ventes et gestion.
La période difficile s’achève avec le remboursement des emprunts. Dès lors, Danielle peut vivre plus confrotablement de son activité.
En 2012, elle se pose la question de la retraite. Elle envisage de vendre son activité. Aude Sabourault, qui commercialise déjà ses produits au sein de sa propre activité de vente de produits de terroirs, s’intéresse à une reprise de la partie transformation des figues. Elles se mettent d’accord pour travailler de manière complémentaire. Avec deux amis, Aude crée une société coopérative de production (SCOP). Danielle ne conserve que la culture des figuiers, la SCOP s’occupe de la transformation et de la commercialisation. Elle leur cède la marque, les recettes, le site internet et le fichier clientèle.

Retraite active

Pour bénéficier de sa retraite agricole, Danielle ne doit conserver qu’une surface de verger de 1, 4 ha. Elle vend donc 2 ha à l’automne 2015. Pour elle, la situation est maintenant idéale : elle se concentre sur l’amélioration de son verger, la partie qui la passionne, et trie sa production : les figues les plus belles partent à la vente dans une centrale d’achat bio de Perpignan, les les moins belles sont transformées par la SCOP.
Lorsque Danielle fait le bilan des dix-sept dernières années, elle conclut en souriant : « J’en ai bavé, mais je me suis régalée ! ». Elle a eu l’occasion d’apprendre énormément de choses concernant la commercialisation, la comptabilité, la transformation, le suivi d’un verger… et de rencontrer des personnes passionnées. Elle conseille à ceux et celles qui, comme elle, ont des rêves, de ne pas hésiter à en réaliser quelques-uns !
Pendant l’entretien, Danielle a trié ses 100 kilos de récolte de la journée ; il est temps d’aller se mettre à l’ombre !

M. B.

• Danielle Batard, 19, rue de la Coutibe, 66540 Baho, tél : 06 10 18 63 21, danielle.batard@gmail.com

La violette de Soliès

Les arbres fruitiers de son verger étaient de la varité « violette de Soliès ». C’est sous ce nom que Danielle a longuement commercialisé sa production. Mais, en juin 2006, les communes autour de Soliès (dans le Var) ont obtenu la création d’une appellation d’origine contrôlée (AOC) qui limite géographiquement l’usage de ce nom… Il a donc fallu se rabattre sur le nom général de la variété : « bourjassotte noire » !

Les produits Viv’les figues
• Purée (pur fruit, sans sucre ajouté)
• Confitures (dont une aux noix)
• Compotes sans graines (parfait pour les personnes ayant des problèmes d’intestins !)
• Nectar (délicieux jus de fruit)
• Moutarde à la figue (en lien avec une petite usine de moutarde)
• Chutney (avec piment, oignons, raisin sec, vinaigre de cidre, le tout en bio)
• Figues au sirop (problèmes de lourdeur des bocaux donc arrêté)
• Figues mi-confites
• Fig’aigre (gros succès dès la première année au salon Marjolaine à Paris, avec stock de 200 bouteilles épuisées dès le 3e jour)

Faucheuse volontaire
Malgré un travail souvent envahissant, Danielle a longtemps réussi à garder le temps de militer pour de nombreuses causes. Elle a notamment animé localement le collectif anti-OGM et participé aux campagnes de désobéissance des faucheurs volontaires. Elle a même été condamnée en justice pour ses actions. Aujourd’hui, elle « laisse la place aux jeunes », se concentrant plus sur sa vie personnelle. A ce jour, elle participe à la création d’un habitat participatif, un autre de ses rêves !
Terroir catalan
Alors que, par un travail acharné, Danielle arrivait à vivre avec l’ensemble, la SCOP n’a malheureusement pas réussi à se développer suffisamment, et deux des associées ont arrêté leur activité. Aude, qui gère maintenant le transformation et la vente avec l’aide de sa mère, a dû chercher d’autres producteurs pour augmenter son volume. Elle arrive à s’en tirer avec une boutique à Elne ouverte pendant l’été, des produits placés en dépôts dans les magasins des campings sur le bord de mer, et en fournissant une centaine de points de vente dans toute la France.
• Viv’les figues, Terroir catalan, 41, boulevard d’Archimède, 66200 Elne, tél : 04 34 12 35 39 ou 06 61 73 06 13, http://www.viv-les-figues.com

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