Brève Dossier Alternatives Chronique de Reporterre

Je t’aide, tu m’aides, on rénove nos maisons

Isabelle Rimbert, Lorène Lavocat

En Normandie, le programme Enerterre associe les habitants à la rénovation de leur maison en mettant à l’honneur la terre crue, aux atouts autant écologiques que patrimoniaux. Destiné aux ménages précarisés, ce dispositif se glisse dans un Système d’échange local, où le don contre don est la règle.

Des croûtes de terre accrochées à son pull en laine, les yeux pétillants derrière ses lunettes, Claudine n’en revient toujours pas : « Je ne reconnais plus ma maison ! » Depuis trois jours, son foyer a des allures de fourmilière. Truelle en main, une petite équipe nettoie, enduit, taloche, lisse.
Pourtant, il y a quelques semaines à peine, le logis avait des allures de camping. Quand Claudine et Jean-Pierre arrivent à Neuilly-la-Forêt, en 2009, la vieille maison en terre crue mérite quelques coups de pinceau... et de marteau. « Nous pensions avoir le temps de faire des travaux, mais les ennuis se sont enchaînés », raconte-t-elle. Problèmes de santé, chômage, feux de cheminée. Le couple peine à joindre les deux bouts, renonce au chantier et s’enlise dans l’inconfort. Jusqu’à ce que Claudine entende parler d’Enerterre, un programme mis en place par le Parc naturel régional du Cotentin qui permet de rénover les maisons à moindre coût en impliquant les habitants. Pour elle, ce sera « la bouffée d’oxygène ».

Maçonne en écoconstruction

« C’est ce qu’on appelle l’autoréhabilitation partagée, explique Laurent Bouyer, coordinateur du dispositif, lancé il y a trois ans. On réhabilite soi-même sa maison, accompagné d’un spécialiste et avec l’aide d’autres personnes bénévoles, sous forme de chantier participatif ». Ce jour-là, chez Claudine et Jean-Pierre, ils sont six à donner un coup de main.
Paille, chaux, chanvre, terre crue : « Nous utilisons des matériaux locaux, recyclables et sains », explique Sarah Martin, l’une des deux professionnelles encadrantes.

Echanges de service sans argent

« Ceux qui passent par l’autoréhabilitation partagée font souvent plus de 80 % d’économies », souligne Laurent Bouyer. En plus des aides pour les plus démunis, c’est surtout le recours à des bénévoles qui permet de diminuer le prix des chantiers.
Du travail au noir ? « Il s’agit d’une logique de don contre don, explique Laurent Bouyer. Chaque bénéficiaire qui reçoit un coup de main doit ensuite aider à son tour ». Claudine a ainsi participé à une quinzaine de chantiers avant d’accueillir des maçons bénévoles chez elle. Le tout se concrétise sous la forme d’un Système d’échange local (SEL), qui permet à chacun d’échanger des services ou des biens sans utiliser d’argent. Heure de main d’œuvre, repas, prêt de matériel, don de sable ou de terre. Même ceux qui ne peuvent pas mettre la main à la pelle y trouvent leur compte. Depuis 2012, une petite trentaine de chantiers ont été réalisés.

La rumeur des bavardages couvre le bruit des truelles

Pour Laurent Huet, la dimension de « cohésion sociale » est essentielle : « Nous sommes dans une zone rurale, où les gens peuvent se sentir très isolés, explique l’élu. Grâce aux chantiers, des voisins se rencontrent et deviennent amis ». Un dispositif innovant qui pourrait pourtant disparaître, faute de financements.

Lorène Lavocat et Isabelle Rimbert
(Reporterre)

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