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Hervé Krief, l’art de l’engagement

Pascal Martin

« Arrêtons de travailler », « Plus de pétrole », « Fukushima mon amour », « Téléphone mobile », « Publicité »,… En lisant les titres des chansons de son dernier album, Toi qui marches, on comprends pourquoi il était évident que Silence s’entretienne avec le musicien Hervé Krief…

Silence  : Les thèmes que tu abordes dans cet album sont liés à notre quotidien, comme c’est souvent le cas dans le Blues, et tu poses des questions sensibles et même douloureuses sur le présent et l’avenir.
Hervé Krief  : J’ai écrit une dizaine de chansons en très peu de temps car elles correspondaient au fond à des cris de colère et à des propositions d’alternatives pour répondre à la crise dans laquelle nous nous trouvons. J’ai vraiment l’impression de vivre dans l’urgence avec le sentiment que chaque jour qui passe, le fondamentalisme marchand, comme le nomme si bien Naomi Klein dans son dernier livre, nous réserve de nouvelles destructions, de nouvelles aberrations tant sur le plan local que national et c’est probablement pour cette raison que j’ai été aussi fécond …

Tu poses des questions mais tu proposes aussi des réponses...
Oui, c’est presque un principe chez moi, depuis que je suis passé par les villes en transition. Comprendre et dénoncer, c’est utile, mais seule la construction d’alternatives guide mes pensées et mon action.

Avec cet album, tu réussis à concilier art et engagement en mettant en cohérence totale ta démarche créative et les procédés de conception et de distribution qui sont à notre disposition aujourd’hui.

J’essaye d’être le plus possible en cohérence, et la rupture avec l’industrie du disque pour retrouver des procédés artisanaux me semble être la seule voie à suivre si l’on veut changer la société. J’ai toujours été indépendant dans ma musique, notamment dans sa phase créatrice. En revanche, je passais par des labels et/ou des distributeurs plus ou moins importants. Désormais, je préfère vendre mes disques en circuits-courts soit par internet ou encore mieux à la fin des concerts. D’ailleurs à ce propos, depuis quelques années, je vends, après mes spectacles, mes CDs ou DVDs à prix libre et en autogestion et cela plaît beaucoup. Je n’ai jamais vendu autant d’albums !

Tu tournes également avec un nouveau spectacle qui s’intitule : « Professeur Kurkuma – je mange donc je suis »…

Oui, c’est un spectacle sur l’alimentation comme première pierre à l’édifice d’un nouveau monde. C’est la même rupture avec l’industrialisation que j’évoquais pour la musique. Si nous inventons d’autres filières de productions et de distribution pour nous nourrir, nous retirons un pouvoir important, puisque financier, aux multinationales de l’agro-alimentaire. C’est donc la valorisation de ces alternatives que j’essaie de montrer avec le professeur Kurkuma. Si nous reprenons en main nos vies, tout est possible ! Le tout se fait dans la bouffonnerie et avec des chansons. C’est gai mais instructif.

Tu participes à une mobilisation dans ton quartier contre l’installation d’un supermarché, tu peux nous donner des infos ?
En septembre 2014 on a eu connaissance du projet de la mairie du 18e arrondissement de commander à Bouygues la construction d’un supermarché Carrefour dans notre quartier, et là on s’est dit avec quelques copines : ce n’est pas possible ! Alors on a monté un collectif pour s’opposer à cette construction et proposer à la place un projet alternatif pensé et conçu par les habitants eux-mêmes. Ainsi, tous les dimanches matin, nous sommes allés devant le futur emplacement du supermarché discuter avec les passants et leur demander quelles seraient leurs envies pour occuper cet espace de 1700 m2. C’est comme cela qu’on a élaboré le projet d’une maison de quartier autogérée et nous l’avons remis à monsieur le maire en même temps que la pétition qui a récolté environ 1000 signatures. Mais notre demande a été rejetée par les élus pour vice de forme, nous n’avions pas indiqué l’âge des pétitionnaires ! Nous en sommes là mais le combat continue car nous ne sommes pas prêts à lâcher. (1) Par ailleurs je suis engagé depuis plusieurs années dans la coopérative alimentaire et solidaire L’Indépendante, dans le 18e arrondissement, qui a pour but de mettre en place une alternative à la grande distribution (2).

Propos recueillis par Pascal Martin

(1) Voici l’adresse du site du collectif : https://quartierauxhabitants.wordpress.com.
(2) www.lindependante.org.


Hervé Krief,
www.herve-krief.com, hkrief@riseup.net, tél : 01 42 58 67 50.
Nouvel album : Toi qui marches, avec Félix Sabal Leco et Arnaud Rebel, en vente à prix libre http://www.la-boutique-militante.com/arts-de-resistance/2259-cd-album-toi-qui-marches-herve-krief.html ou sur http://www.laboutiquedesmutins.org/?fond=produit&id_produit=276&id_rubrique=31.
Clip « Fukushima, mon amour » : http://vimeo.com/user5081294/fukushimamonamour
Clip « Toi qui marches » http://vimeo.com/115252301

Le Blues des Canuts
Vous pouvez retrouver la plupart des chansons citées dans ce texte en écoutant l’émission sur :
http://blogs.radiocanut.org/bluesdescanuts/ ou http://www.radiosblues.com/Le-Blues-des-Canuts
Courriel : comboquilombo@online.fr.
Le Blues des Canuts c’est l’émission blues de Radio Canut – la plus rebelle des Radios ! – tous les mercredi de 15 à 16 h sur le 102.2 FM dans la région lyonnaise et sur radiocanut.org pour le reste du monde…

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Où me cacher ?
Où m’en aller ?
Ne plus voir, ne plus voir de publicités
Regarde les rues des grandes villes
Et dans les couloirs du métro
Lève la tête dans les halls de gare
Chaque coup de clic sur ton écran
PU-BLI-CI-TE

Où me cacher ?
Où m’en aller ?
Ne plus voir, ne plus voir de publicités
Toutes les chaînes quand t’as une télé
Toutes les pages de tes magazines
Et dans les journaux c’est pareil
Pour les boîtes aux lettres on en imprime
PU-BLI-CI-TE

Sao Paolo do Brasil, quelle ville !
Le conseil municipal a décidé
Plus aucune publicité dans la ville, quelle ville !
Le conformisme social basé
Sur la consommation et le gaspillage
Nous enferme dans un mode de vie
Bas sur la réussite et l’argent grâce à la publicité.
Et la publicité coûte cher
Mais qui paye, à la fin qui paye ?

ARRETONS DE TRAVAILLER

Arrêtons de travailler, ce n’est pas bon pour la santé
Commençons par ne rien faire juste le strict nécessaire
Arrachons un bout de bitume pour planter quelques légumes
Inviter tous ses amis à manger des spaghettis

Prenons ensemble le temps de vivre
De s’allonger derrière un livre sous le soleil

Arrêtons les pendules ce n’est pas bon pour les rotules
Commençons par ne plus courir prendre son temps et réfléchir
Fabriquer une table et des chaises pour se sentir bien à l’aise
Inviter tous ses voisins à chanter deux trois refrains
Le travail faut le partager des plus jeunes aux plus âgées
Si on fait 20 heures la semaine ça laisse du temps pour qu’on s’promène
Ça laisse du temps pour inventer des épiceries où l’on boit du thé
Faire du théâtre ou de la poésie jardiner ou dessiner alors allons-y !

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