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Cigéo : il y a trop longtemps que ça Bure !

Manu, Michel, Nestor et Véronique

Après la manifestation des « 100 000 pas » le 7 juin 2015, qui a réuni plus de 1000 personnes, la dynamique de résistance à Bure autour du projet d’enfouissement de déchets nucléaires Cigéo s’est intensifiée tout au long de l’été.

Tout commence en pédalant. Le 19 juillet 2015, trois périples à vélo convergent : Les halages du débat, parti de Notre-Dame-des-Landes (organisé par Les Bure à cuire) ; Void-Vacon (avec Les Bure Haleurs), et l’Alter-tour (tour de France alternatif à vélo). Tout ce beau monde se rassemble en musique devant le laboratoire, à Bure. (1)

Ami-e-s de Silence, campement antiautoritaire VMC et Zone à Protéger

Dès le lendemain, le 20 juillet, les Rencontres des Ami-e-s de Silence débutent à Luméville. Ça perce, ça scie, ça interpelle les salarié-e-s de l’Andra avec de délicieuses tartines, ça monte des structures, ça partage spectacle et projections, ça discute…
Le terrain sur lequel se tient le campement est une ancienne gare, aujourd’hui en friche. A environ 3 km au sud du laboratoire de l’Andra, elle est située à un endroit stratégique, sur le tracé de la voie ferroviaire qui est censée acheminer les déchets. Acheté par une SCI il y a 10 ans, la proposition de rachat faite par l’Andra aux propriétaires l’an passé n’a fait que motiver l’installation sur ce terrain.
En parallèle, juste devant le site du laboratoire de l’Andra, les Bure Haleurs décident de s’installer, de faire de la musique et de décorer l’entrée du lieu de recherche de banderoles et de messages anti-nucléaires et pacifiques. Ils tiennent une bonne quinzaine de jours cette petite zone, renommée pour l’occasion la ZAPP (Zone A Protéger pour la Paix), sans trop de problèmes avec les autorités, jusqu’à leur expulsion violente par des hommes sans insignes ni uniformes mais travaillant main dans la main avec les vigiles de l’Andra.
Le campement anti-autoritaire commence comme prévu le 1er août, avec le plaisir d’apprendre que le chapilopin (chapiteau monté chaque année par les Ami-e-s de Silence), ainsi que certain-e-s ami-e-s de S !ilence vont y participer. Et ça continue, ça écrit des textes, ça tracte, ça randonne dans les forêts, ça diffuse sur les ondes de la radio créée pour l’occasion et ça taille la bavette avec les habitant-e-s solidaires des alentours (et ça à l’Andra, on n’aime pas, mais alors pas du tout ! ).

La solidarité continue

Ce sont donc entre 1000 et 1200 personnes qui sont présentes sur le site du 20 juillet au 10 août, et qui petit à petit repartent vers leurs lieux de vie et/ou de lutte respectifs. Et la suite alors ? Beaucoup ont promis de revenir, certain-e-s envisagent d’investir le terrain de l’ancienne gare, un nouveau bulletin appelé « le Couarail » est diffusé dans le coin, la solidarité continue de s’organiser localement et plus largement... Venez sur place constater ! Vous serez accueilli-e-s avec plaisir tant à la maison de résistance contre la poubelle nucléaire qu’à la gare de Luméville !

Manu, Michel, Nestor et Véronique

Où en est l’accaparement des terres par l’ANDRA ?

Le processus d’acquisition foncière de l’ANDRA a débuté dans l’opacité totale depuis plus de cinq ans et s’est accéléré ces deux dernières années. Le négociateur de l’ANDRA sillonne les villages et harcèle tous les propriétaires pour racheter et/ou échanger leurs terres et éviter ainsi des expropriations longues et coûteuses. Après de nombreuses batailles pour l’accès aux données concernant ces transactions foncières, une vue d’ensemble de la situation se dégage : fin 2014, l’ANDRA est propriétaire de 2890 hectares de terres agricoles, forêts et autres (en propre, ou avec la complicité des SAFER). Aucune donnée n’est disponible pour les autres départements limitrophes concernés, où des terres ont aussi été achetées pour procéder à des échanges et faire place nette dans la zone directement impactée. Aucune donnée non plus sur le prix d’achat par parcelle, ce qui empêche tout recours sur d’éventuels abus de prix et différences de traitement dans les négociations individuelles. (2)

Comment résister tous ensemble à l’accaparement des terres par l’ANDRA ?

« Si vous voulez mobiliser sur la zone, cherchez donc quelqu’un qui n’a pas d’intérêt avec l’ANDRA, et vous verrez qu’il ne reste pas grand monde ! Je vous souhaite bien du courage pour faire bouger les gens ici ! » tempère d’emblée un agriculteur du coin présent lors d’une rencontre sur le foncier le 6 août, reflétant l’opinion commune selon laquelle en Meuse tout le monde serait acheté et personne ne bougerait.
Pourtant, de nombreux-ses jeunes et moins jeunes veulent vivre et s’installer ici à long-terme, et sont bien décidé-e-s à ne pas quitter leurs terres. CIGEO est l’arbre qui cache la forêt du « Pôle de compétence territorial nucléaire » de Meuse et Haute-Marne (qui comprend plusieurs industries et installations civiles et militaires en aval et en amont du cycle nucléaire).
Face aux gros exploitants agricoles qui profitent des échanges de l’ANDRA pour s’agrandir, « les plus petits devraient tirer un trait sur leurs rivalités, se parler entre eux, arrêter de s’accuser d’avoir accepté tel ou tel échange, puis s’allier » affirment énergiquement les agriculteurs/trices du COPAIN 44, venus partager leur expérience de lutte contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes avec les agriculteurs et habitants du sud-Meuse. De quoi montrer qu’à Bure comme ailleurs, même si des territoires sont mangés par la folie des bétonneurs, des résistances collectives sont possibles !

(1) Le Halage du Débat, https://lehalagedudebat.wordpress.com. Les Bure Haleurs, https://burehaleurs.wordpress.com. L’Altertour, www.altercampagne.net.
(2) Alors que le projet Cigéo n’a toujours pas reçu du gouvernement la Demande d’Autorisation de Création, ces surfaces sont la première emprise du projet final et les prémices des installations de surface (transport, stockage, remblais...). Cela représente environ 400 ha, soit un rapport d’environ 1 à 10 entre le patrimoine et les besoins réels.

Pour aller plus loin, Bure Zone Libre : http://burezoneblog.over-blog.com.

Ça s’est passé à l’extérieur pendant le camp antiautoritaire VMC : destruction de deux grilles de l’Andra (pas si solides que ça), sabotages de puits appartenant à l’Andra, ravalement de façade de la maison d’un négociateur en chef de la mafia atomique locale, tags sur les panneaux du GIP (Groupement d’Intérêt Public) local, une manifestation clownesque au supermarché de Joinville, une simulation d’accident nucléaire dénonçant le trafic d’uranium dans les rues de Void-Vacon,...

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