Brève Chronique En direct de nos colonies Nord-Sud

Scrutins à risques

Thomas Noirot

Depuis leur retour au pouvoir en mai 2012, les socialistes français n’ont presque pas eu à commenter des parodies d’élections dans les « démocratures » africaines, ces dictatures drapées dans des institutions d’apparence démocratique.

Le hasard des calendriers électoraux a fait que François Hollande et ses ministres ont en effet jusqu’ici largement échappé à l’exercice, rituel depuis l’avènement d’un pluripartisme de circonstance dans les dictatures du pré carré français, au début des années 1990. Il y a bien eu l’Algérien Abdelaziz Bouteflika, magistralement « réélu » en avril 2014 avec plus de 80 % des voix et aussitôt félicité par l’Élysée. Ou encore le Mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, se succédant aussi à lui-même avec un score de plus de 80 %, en juin 2014. Mais dans l’ensemble, Hollande et Fabius ont pu attendre trois ans avant de devoir commenter des élections françafricaines.

Un espoir au Burkina Faso ?

Au Togo, Faure Essozimna Gnassingbé, arrivé au pouvoir au décès de son père, Gnassingbé Eyadéma, il y a dix ans, a prétendu affronter les urnes en avril dernier. Une simple formalité, puisque comme l’avait expliqué Jacques Chirac en 1999, « il faut bien que les dictateurs gagnent les élections, sinon ils n’en feront plus ! ». La diplomatie française a gentiment avalisé la forfaiture, mais sans en rajouter dans ses déclarations, par souci de crédibilité. Courant octobre, elle pourrait en revanche être tentée de davantage flatter ses poulains lors d’élections présidentielles… pourtant à risques.
En Guinée, le vieil opposant démocratiquement élu il y a cinq ans, Alpha Condé, a perdu les pédales sitôt assis dans son fauteuil présidentiel : après un mandat ponctué de violences et d’assassinats à l’encontre de l’opposition, le pouvoir a instauré début juin une loi sur le maintien de l’ordre qui s’apparente à un permis de tuer pour la police face une manifestation. Pas de quoi enrayer le soutien de l’exécutif français à ce cadre guinéen de l’Internationale socialiste et vieux copain de Bernard Kouchner.
En Côte d’Ivoire, l’ami personnel de Nicolas Sarkozy installé au pouvoir par l’armée française en 2011 à l’issue d’une crise électorale savamment instrumentalisée, Alassane Ouattara, n’a pas de souci à se faire. Présenté à la face du monde comme une victime des ambitions de son adversaire Laurent Gbagbo, tandis que les forces armées qui le soutenaient multipliaient les crimes restés depuis impunis (notamment l’horrible massacre de Duékoué), ce président illégitime jouit d’une image de démocrate et du silence complice des médias français sur les exactions que continuent de subir les « perdants » de 2011 (ceux qui ont le malheur d’être ou de paraître « pro-Gbagbo »).
En Centrafrique, les violences n’ont pas disparu, en dépit de la présence de l’armée française et de casques bleus de l’ONU. Malgré cela, des scrutins sont prévus en octobre pour approuver une nouvelle Constitution et élire un président. Un doublet destiné à marquer la fin de la transition entamée au renversement armé du dictateur Bozizé et surtout le « succès » de l’opération militaire française Sangaris déclenchée dans la foulée, début décembre 2013, en plein embrasement des violences inter-communautaires. Mais, comme au Mali, cette élection risque fort de ne rien régler.
Reste le Burkina Faso, source d’espoir et d’inspiration depuis l’insurrection de 2014. Les élections prévues en octobre marqueront la fin de la transition, mais la principale inconnue, plus que l’issue du scrutin, reste l’attitude qu’adopteront l’armée et la garde présidentielle.

Thomas Noirot

Survie, 107, boulevard Magenta, 75010 Paris, http://survie.org

Silence existe grâce à vous !

Cet article a été initialement publié dans la revue papier. C'est grâce à vos abonnements et à la vente de la revue que nous pouvons continuer à proposer des alternatives à la société consumériste et destructrice actuelle. Sans publicité, sous forme associative, notre indépendance et notre pérennité dépendent de votre engagement humain et financier !

S'abonner Faire un don Participer