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Temps des téléphériques urbains (le) ?

Michel Bernard

Il existe plus de 20 000 téléphériques dans le monde… le plus souvent en montagne pour les stations de skis (le plus haut au Venezuela monte à 4765 m !). Il existe aussi quelques téléphériques urbains à vocation touristique comme celui qui rejoint la Bastille à Grenoble depuis 1934 ou celui entre Toulon et le Mont-Faron qui fonctionne depuis 1959.
Dans ces deux villes, il existe des projets de téléphériques urbains : le premier entre Fontaine, Grenoble et Saint-Martin-le-Vinoux. Un projet pour rejoindre le plateau du Vercors a été abandonné. Depuis 2008, à Toulon, il existe un projet d’extension de l’actuel téléphérique vers le centre-ville.
A Brest, un téléphérique devrait, d’ici mi-2016, permettre de relier le centre au nouveau quartier des Capucins, enjambant la rivière Penfeld à 60 m de haut. Il pourra transporter jusqu’à 1200 passagers par heure, sur 410 mètres, en trois minutes. De nombreux autres projets sont dans les cartons.

Pourquoi tous ces projets maintenant ?

Selon le GART, Groupement des autorités responsables des transports, un téléphérique peut coûter jusqu’à 4 fois moins cher qu’un tram. Il est particulièrement intéressant pour franchir aisément un relief ou un cours d’eau. Il demande peu de place au sol. Il consomme peu d’énergie.
Nous avons pu interroger François Marchand, cadre dans une entreprise de transports publics, qui a déjà travaillé sur plusieurs projets de téléphériques.
Le téléphérique peut avoir des capacités de transport comparables à celles d’un tramway (entre 5000 et 10 000 personnes à l’heure) mais, plus modulable, il peut être conçu pour des flux beaucoup moins importants.
Il peut donc permettre de répondre à des besoins ponctuels de mobilité en complément des autres modes de déplacements collectifs. Il n’a pas vocation à remplacer le tramway qui permet, à la différence du téléphérique, de réaménager l’espace urbain, en particulier en opérant une redistribution de l’espace public au profit des piétons, des vélos et des usagers des transports publics.
Les réflexions sur ce mode de transport se sont engagées en France lors du Grenelle de l’environnement en 2007. Mais jusqu’à maintenant, ces projets étaient limités par le fait d’une interdiction juridique concernant la possibilité de survoler des habitations. Ceci devrait être corrigé dans le cadre la loi sur la transition énergétique.

De nombreuses limites

Le téléphérique a comme principale limite qu’il ne peut pas facilement desservir des stations intermédiaires sur son parcours : il sert le plus souvent uniquement à joindre deux stations. En montagne, il existe des cas où les cabines sont freinées ou débrayées le temps de marquer une pause sur le trajet, mais c’est très limité. Sur une desserte urbaine qui nécessite de la régularité et de gros flux de passagers, c’est extrêmement compliqué à gérer.
Autre limite : il est forcément en ligne droite (éventuellement en ligne brisée avec des pylônes intermédiaires, mais cela augmente le coût).
Même si la loi autorise le survol des habitations (le projet de loi prévoit une hauteur minimale de 20 m au-dessus des bâtiments), rien ne dit que ce sera accepté par les personnes survolées et cela pourra être source de conflit.
Pour assurer un flux de passagers de même niveau que le tramway, il faut des quais d’embarquement très vastes, ce qui peut limiter les lieux d’implantation.
Le prix bas et l’économie d’énergie peuvent être remis en cause si l’on veut des cabines « modernes » avec chauffage et éclairage : alimenter une cabine en électricité n’est pas simple techniquement. Le coût peut aussi augmenter si pour des raisons de sécurité, il s’impose de mettre un accompagnateur dans chaque cabine.
Pour répondre aux normes de transport actuelles, il faut que le vide entre la cabine et le quai ne dépasse pas 2 cm (pour le franchissement d’une chaise roulante), il faut que l’accélération soit douce (ce qui nécessite des techniques complexes), ceci a un coût.
Les téléphériques posent aussi un problème de maintenance : alors que sur une ligne de tramway, on peut neutraliser une partie du trajet pour changer une portion de rail, dans le cas d’un téléphérique, tout doit être arrêté pour l’entretien des câbles. Si en montagne cela ne pose pas de problèmes (la maintenance se fait en dehors des périodes d’ouverture des stations), dans un cadre urbain de transport public, c’est plus gênant (1).
La peur du vide est parfois évoquée… mais au 19e siècle, à l’arrivée du métro, on craignait les réactions de claustrophobie… sensation qui disparaît le plus souvent rapidement.
Le cas de Brest, seul en chantier actuellement, doit permettre d’étudier clairement comment penser un téléphérique aux normes de confort actuelles. Ponctuellement, cela peut rester une solution peu onéreuse pour relier deux points et de nombreux élus regarderont avec attention l’expérience bretonne.

Michel Bernard.

(1) A Lyon, l’entretien de deux funiculaires sur rail, tirés par câbles, provoque chaque année des coupures dans le service d’au moins 12 jours par an, nécessitant la mise en place d’un bus de substitution.
Principales sources
http://www.urbanews.fr
http://www.gart.org
http://gondolaproject.com

Des projets en discussion

A Toulouse, un projet prévoit de traverser le sud de la ville sur 10 km (de Basso Cambo à Montaudran Aerospace). Ce projet pose la question de trouver comment techniquement multiplier les stations intermédiaires. Il pourrait être opérationnel entre 2020 et 2025.
En Ile-de-France, un projet prévoit de joindre Villeneuve-Saint-Georges (Essonne) à la station RER de Créteil, en passant par Limeil-Brévannes et Valenton, sur 4,4 km de long (donc avec deux stations intermédiaires). A Bagnolet (Seine-Saint-Denis), un projet prévoit de relier la station de métro Gallieni aux hauteurs de la commune (plateau de la Noue).
A Montpellier (Hérault), un téléphérique pourrait être préféré au prolongement de la ligne 1 du tramway. A Béziers (Hérault), il existe un projet de périphérique touristique le long du canal du Midi.
A Lyon, les projets pour relier les collines de Fourvière et la Croix-Rousse sont un long serpent de mer… D’autres projets ont été étudiés comme la liaison Gare de Perrache / Fort Saint-Irénée ou encore Gros Caillou de la Croix-Rousse / Parc de la Tête d’Or. Il existe un projet plus avancé entre la station Décines Grand Large sur la ligne de tramway 3 et le Parc de loisirs de Miribel-Jonage afin d’y limiter les accès en voiture. Il pourrait voir le jour d’ici 2016.
A Marseille, se discute depuis 2013, un projet de téléphérique touristique entre le centre-ville (fort Saint-Nicolas) et Notre-Dame de la Garde.
Plutôt que de construire de nouveaux ponts, Nantes étudie la possibilité d’un téléphérique entre le centre-ville, l’Ile de Nantes et la rive gauche de la Loire.

Et dans le monde ?

Il existe des téléphériques urbains à Portland et New York (Etats-Unis), Medellin, Cali et Manizales (Colombie), Caracas et Merida (Venezuela), La Paz (Bolivie), Rio (Brésil), Alger, Tlemcen, Skikda et Constantine (Algérie), Lisbonne et Porto (Portugal), Barcelone et Madrid (Espagne), Huy (Belgique), Londres (Grande-Bretagne), Coblence (Allemagne), Nijni Novgorod (Russie), Hong Kong (Chine) Taipei (Taïwan), Yen Tu (Vietnam)…
Il existe des projets (fin 2013, source : le GART) à Vancouver, Calgary et Laval (Canada), Tanger (Maroc), Bucarest (Roumanie), La Mecque (Arabie Saoudite), Shillong et Kohima (Inde)…

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