Brève Chronique Fukushima Nucléaire

Dites-nous comment survivre à notre folie ?

Monique Douillet

Lorsqu’il a répondu aux questions de la journaliste du Monde, le 25 mai dernier, j’ai trouvé Kenzaburō Ōe extrêmement sceptique sur la volonté de ses contemporains à imposer l’arrêt du nucléaire. Le pessimisme dont il a fait part était-il dû à une fatigue passagère ? Ou au contraire l’auteur se pressait-il, en raison de l’urgence et de son âge, de nous livrer crûment son funeste pressentiment ?

« Le nucléaire, a-t-il martelé, va faire disparaître l’humanité et pourtant nous continuons... Certains hommes politiques parlent de supprimer le nucléaire civil dans 15 ans, mais les gens n’y croient pas... et moi, je ne crois pas les hommes politiques qui le disent ! »

Dès le lendemain matin, à la lecture de la chronologie des dépêches publiées sur l’évolution de la situation des centrales (au Japon et dans le monde), j’ai découvert cette mise en garde de Katsuhiko Ishibashi, publiée en ce mois de mai 2015, dont il ne sera probablement pas tenu compte, et qui corrobore ces craintes.
Au cours d’une interview qu’il vient d’accorder à l’agence Bloomberg il affirme que le risque sismique concernant la centrale de Sendaï à Kagoshima est sous-estimé. Il pense que l’Agence de régulation nucléaire (NRA) a accepté que l’exploitant ignore le tremblement de la plaque sous l’île de Kyûshû et le séisme de Nankaï (mer du Sud), un des plus redoutés au Japon. Scandaleusement, ajoute-t-il, c’est la compagnie qui a fixé ses propres critères, ignorant délibérément le séisme de Nankaï qui pourrait entraîner une secousse d’une durée dix fois plus longue que celle qui a été prise en compte pour la centrale de Sendaï.

Katsuhiko Ishibashi, sismologue renommé, est considéré comme un lanceur d’alerte. En 2006, il a interpellé les autorités sur la sous-estimation du risque sismique pour les centrales nucléaires japonaises. En 2007, suite au tremblement de terre qui a fortement secoué la centrale de Kashiwazaki-Kariwa, exploitée par TEPCo à Niigata, il a également signalé le risque de conjonction entre un séisme majeur et un accident nucléaire. Les faits lui ont donné raison en 2011 !

Ainsi en va-t-il des risques que l’on prend ou que l’on ignore presque quotidiennement par mesure d’économie ou rapacité :
• Toujours en mai, on apprend que huit failles sont actives sous la centrale de Shika dont l’exploitant a demandé l’autorisation de redémarrage du réacteur n° 2.
• Qu’un séisme de magnitude 6,8 vient de se produire au large de la centrale d’Onagawa, déjà endommagée le 11 mars 2011.
• Que TEPCo vient de constater la présence d’hydrogène à un taux très élevé dans les 1400 cuves qui stockent les boues des usines de filtration de la radioactivité. La présence d’hydrogène peut provoquer une explosion accidentelle, 26 d’entre elles ont déjà débordé. Ces cuves devraient disposer de soupapes, mais ce n’est pas le cas pour 305 d’entre elles.

Pourtant ce que les hommes font, ils peuvent décider de le défaire avant qu’il ne soit trop tard !

Monique Douillet

* Titre d’un recueil de nouvelles de Kenzaburō Ōe publié en 1966.

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