Brève Chronique Dates du féminisme Femmes, hommes, etc.

1981, 5 septembre : occupation de Greenham Common

Isabelle Cambourakis

En novembre 2015, Silence publie une grande affiche couleur intitulée « 100 dates qui construisent nos luttes féministes aujourd’hui ». Chaque mois, cette chronique permet de revisiter une date du féminisme.

En ce début des années 1980, la tension entre l’Est et l’Ouest est tangible et la surenchère aux armes nucléaires plonge une partie de la population dans l’angoisse d’une guerre nucléaire ou d’accidents comme à la centrale états-unienne de Three Miles Island. Des femmes notamment, aux États-Unis, en Angleterre, se regroupent pour partager leurs peurs et décident d’agir ensemble. À Cardiff, au Pays de Galles, elles sont au départ trente-six à entamer une marche qui les mènera 10 jours et 200 km plus tard à la base militaire de Greenham, là où 96 missiles de croisière Tomahawk doivent être entreposés sur décision de l’OTAN. À leur arrivée le 5 septembre 1981 sur cette lande qui avant la seconde guerre mondiale était encore une terre communale (un « common »), devant le mépris des autorités militaires et le silence de la presse, elles décident de rester et installent un camp de fortune. Elles entament alors une occupation qui durera près de 20 ans.

Une occupation non-mixte qui dure près de 20 ans

Les femmes de ce premier camp sont vite rejointes par d’autres qui à leur tour s’installent et créent de nouveaux camps. Le premier, celui qui sera occupé jusqu’en 2000, sera appelé le « yellow camp », le camp jaune. En février 1982, les femmes présentes décident que l’occupation de Greenham Common sera une occupation en non-mixité. Si les hommes peuvent aider pour le ravitaillement, seules les femmes peuvent vivre sur place. Certaines comme Katrina Hows vont ainsi vivre plusieurs années à Greenham, été comme hiver, dans des tentes et des caravanes. Si cette occupation marque l’histoire des luttes anti-nucléaires et anti-militaristes par sa longévité, elle la marque encore plus par la constante inventivité de ses modes d’action et des modes de vie sur le terrain. À la non-mixité, à la non-violence, il faut ajouter l’importance accordée au chant, à la joie, à l’expression des émotions et à l’usage de savoirs et savoir-faire disqualifiés parce que « féminins » : grilles du camp « décorées » par des tissages et objets fragiles, femmes déguisées en animaux pénétrant dans le camp militaire, die-in pour bloquer les transports militaires, etc. On retiendra la grande hétérogénéité des femmes présentes, militantes anarchistes, anti-militaristes, lesbiennes radicales, mères de familles, « sorcières néo-païennes », et la nécessité au quotidien d’une pratique démocratique ouverte à toutes. Et d’autre part des actions symboliques qui marquent les imaginaires encore aujourd’hui : « Embrace the base » (Embrassons la base) le 12 décembre 1982, où 30 000 femmes se donnant la main ont encerclé les 24 km du camp militaire. Et « Dancing on the silos » (Danser sur les silos) la nuit du nouvel an 1982 lorsque 44 femmes ont pénétré illégalement dans le camp et ont dansé quelques heures sur le silo dans lequel se trouvaient les têtes nucléaires.
Aujourd’hui, à l’heure des ZAD, le souvenir de ces actions, de cette persévérance, de cette inventivité, nous sont plus que jamais nécessaires.

Isabelle Cambourakis

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