Article Brève Nord-Sud

Maroc : en guerre contre le microcrédit

Francis Vergier

Dans le sud du Maroc, dans la région de Ouarzazate, depuis 2011, des collectifs de femmes ont vu le jour pour contester les politiques de micro-crédit. Elles sont aujourd’hui 4500 à refuser de rembourser des prêts.

Quand le microcrédit a été lancé dans la région, officiellement pour venir en aide aux initiatives liées au tourisme, les courtiers des organismes de prêts n’ont pas été regardants sur les dossiers déposés et de nombreux micro-crédits ont servi à payer des consommations et non des investissements, rendant le remboursement impossible. La situation s’est envenimée quand des prêts ont été accordés pour rembourser des crédits antérieurs. D’autant plus que les taux d’intérêts sont particulièrement élevés. Les organismes de prêt reconnaissent des taux de 14 à 18 %. Les femmes, elles, annoncent que cela monte jusqu’à 40 %. De nombreuses femmes ont signé des prêts sans en comprendre les enjeux : les textes étaient en français ou en arabe alors que localement n’est parlé que l’amazigh (berbère). Le résultat est que des financiers se font de l’argent sur le dos de femmes déjà pauvres… alors que leur capital provient au départ de fonds fournis par des associations caritatives. Le côté solidaire est ainsi mis en avant avec des prêts solidaires où plusieurs personnes se portent cautions… ce qui fait qu’en cas de défaillance, l’organisme bancaire peut se retourner contre les autres personnes. Cette pratique « solidaire » se révèle en fait un piège de plus pour garantir le retour de l’argent.

Perte d’autonomie pour les femmes

Les tenants du microcrédit affirme que les prêts doivent permettre aux femmes de devenir financièrement autonomes en développant leur propre activité. Sur le terrain, les femmes sont mises en difficulté, augmentant la différence de libertés entre hommes et femmes.
Le même phénomène a pu être constaté dans d’autres pays. Les organismes financiers trouvent un moyen de mettre la main sur des activités jusqu’alors non marchandes et finalement rendent les femmes dépendantes du système financier. Angoisses, saisies, procès et endettement, voici la réalité de nombreux microcrédits qui, dans le pire des cas conduit à une augmentation de la prostitution.

Marchandiser les formes de solidarité

Derrière un discours altruiste et féministe, c’est bien une offensive du milieu capitaliste pour marchandiser les formes de solidarité de la société qui est en jeu. Alors que les procès se profilaient contre deux animatrices du mouvement de refus, Amina Morad et Benasser Ismaini, les manifestations et le soutien populaire ont fait reculer les organismes financiers. Sur cinq plaintes, quatre ont été retirées. Le procès pour la cinquième plainte a condamné les animatrices à un an de prison ferme, 30 000 dirhams d’amende et 10 000 d’indemnité. Le procès en appel, en février 2014, a confirmé les peines. Les inculpées se sont pourvues en cassation et sont restées libres en attendant.

Francis Vergier


• source : Attac-CADTM Maroc, voir http://cadtm.org/Interview-de-Souad-Guennoun
• voir également en Inde : http://robin2brousse.com/le-microcredit-qui-pousse-au-suicide/.

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