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La main verte des Roms à Montreuil

Cécile Leclerc

Depuis cinq ans, plusieurs familles roms entretiennent des potagers en plein cœur de Montreuil, en banlieue parisienne.

« On a planté les semences mi-février : dans douze semaines environ, on aura des choux, des tomates, des oignons. Je viens tous les jours arroser, et puis il faut aussi nourrir les poules ». Dans un français approximatif, Florin montre fièrement son œuvre : un poulailler et une serre à légumes sur le terrain de l’ancienne ferme Moultoux, rue Emile Beaufils, à Montreuil.
Âgé d’une quarantaine d’années, Florin vit en France depuis huit ans. Il a connu la rue et a dû faire la manche pour survivre, avant de faire la connaissance de l’association Ecodrom en 2010, l’année où celle-ci s’est créée. Depuis, il s’occupe de son potager avec neuf autres Roms de sa communauté : « Ainsi, on montre à la France qu’on existe et qu’on est capable de travailler, même si on ne gagne pas d’argent ». L’accès au marché du travail reste en effet compliqué : la production de légumes offre alors un moyen de subsistance non négligeable.

Cultiver le lien social

« J’ai vu qu’ils s’y connaissaient en agriculture et je me suis dit que c’est ce qu’il fallait faire : les rendre actifs en travaillant la terre », explique Colette Lepage, fondatrice d’Ecodrom. Colette a trouvé le terrain de la ferme Moultoux à l’abandon, obtenu de la mairie une convention d’occupation précaire à but humanitaire et Ecodrom a vu le jour : Drom, qui signifie « le chemin » en romanès et Eco, parce que « le projet est basé sur l’économie solidaire et sur l’écologie ».
Le compost est partagé avec les Jardins du cœur qui dépendent des Restos du cœur et qui occupent aussi un bout de terrain de la ferme Moultoux depuis 2013.
Ainsi, les Roms travaillent au quotidien aux côtés de personnes en voie de réinsertion. Bruno Doisy, encadrant technique aux Jardins du cœur, est enchanté de cette coopération : « Nos salariés sont Africains, Maghrébins, Afghans. Des liens d’amitié se créent avec les Roms ».
« Au départ, il y a eu beaucoup de méfiance des gens du quartier, explique Colette Lepage. La police est même venue le jour de notre arrivée, quelqu’un avait dû les prévenir ! Aujourd’hui, les Roms sont moins stigmatisés : les voir travailler, ça rassure ».
Et pour favoriser les rencontres avec les habitants de Montreuil, Ecodrom participe à des fêtes de quartier ou à des moments associatifs. Les Roms passent alors aux fourneaux et proposent des spécialités culinaires roumaines, comme les sarmalé, à base de choux... qui proviennent bien sûr du potager.

Une aide quotidienne

Depuis l’été 2012, Florin et sa famille ont pu s’installer dans des petites maisons dans le quartier de la Boissière, à quelques centaines de mètres de la Ferme Moultoux. Là aussi, Ecodrom n’a obtenu que des baux précaires, ce qui signifie que la mairie peut expulser les familles avec un préavis de trois mois.
Mais ce déménagement a changé la vie de Florin : « Ecodrom nous aide pour tout : grâce à eux, on a une maison, nos enfants vont à l’école, on a fait la demande pour la carte maladie ». « Le plus gros boulot, c’est le suivi social, scolaire, médical, juridique » explique Colette.
Alors, c’est vrai : les membres de l’association Ecodrom se sentent parfois découragés. Mais « la mise en place de ces potagers a fait bouger les choses : on a fait sortir les Roms de leur ghetto et on a jusqu’ici évité l’expulsion », martèle Colette. Et c’est déjà ça.

Cécile Leclerc
www.reporterre.net

• Ecodrom, 15, rue Dreyfus, 93100 Montreuil, tél : 06 13 43 09 79, www.ecodrom.org

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