Chronique Alternatives Monde en construction(s)

Un « vaisseau terrestre » en Turquie

Chloé Deleforge et Olivier Mitsieno

A première vue, le petit village de Payamli aux alentours d’Izmir (côte ouest de la Turquie) ne diffère pas des autres. Mais depuis un an et demi, un projet original est en train d’y voir le jour à l’initiative d’Erdem. Ayant géré une dizaine d’années des auberges de jeunesse à Istanbul, ses aspirations ont changé : « Maintenant, je souhaite travailler moins, avoir une meilleure qualité de vie... j’aimerais céder mes affaires à un bon prix et me consacrer à de nouveaux projets... ». Son idée : construire plusieurs maisons écologiques pour sa famille et des visiteurs ; créer un grand potager et organiser des ateliers autour de la construction et de la permaculture.

Pour l’heure, il s’agit de finir la première maison sur le modèle des Earthship, des habitations construites à partir de matériaux recyclés qui visent à l’autonomie énergétique. Depuis leur élaboration, il y a une quarantaine d’années, par l’architecte américain Michaël Raynolds, des centaines de ces « vaisseaux terrestres » ont fleuri sur la planète. Certains sont officiels, co-construits par l’équipe de Raynolds ou par ceux qui ont suivi la formation de l’earthship academy. D’autres, comme Erdem, s’inspirent librement de certaines des caractéristiques de ces maisons étonnantes.

Schéma explicatif

  • • une structure semi-enterrée sur la façade nord pour conserver une température fraîche
  • • une grande baie vitrée plein sud, aux fenêtres inclinées pour que les rayons bas du soleil d’hiver pénètrent au fond de la pièce, et que ceux d’été atteignent les plantes, derrière les vitres. Ces dernières filtreront les eaux grises de la douche et de l’évier, qui iront ensuite alimenter les toilettes
  • • et des murs... en pneus ! « C’est un contenant parfait : on peut le remplir de gravats. Et puis, cela ne coûte rien, je les ai récupérés chez des garagistes bien heureux de me les refiler. En général, les pneus usagés sont brulés pour être recyclés, ce qui dégage beaucoup de pollution. Pour moi, ça n’est pas ça le recyclage... » Si la technique est économique, le travail est harassant : « on avait un rythme de six pneus par jour/personne... on a bien dû en remplir 500 ! » Ensuite, les murs ont été enduits avec un mélange d’argile, sable et de chaux.

Erdem a d’abord travaillé avec des habitants du village. « Mais ça n’a pas vraiment fonctionné. Ils avaient du mal à comprendre l’intérêt du projet. Pourquoi s’entêter à construire avec des pneus, alors qu’on peut le faire avec des parpaings ? » Depuis, il s’appuie sur des réseaux comme work away ou helpX. Des volontaires d’autres pays viennent l’aider et apprendre, en échange du logement et du couvert. Maintenant que la maison a pris forme, les habitants sont de plus en plus curieux et viennent régulièrement observer l’avancement du chantier et se régaler des légumes bios. De jeunes Turcs des environs viennent également lui donner un coup de main... Qui sait, peut être feront-ils à leur tour naître d’autres Earthships en Turquie ?

Chloé Deleforge et Olivier Mitsieno

Projet Eco-logis

Pour en savoir plus sur la construction d’Erdem, et les autres éco-bâtisseurs que nous avons rencontré, rendez-vous sur notre site eco-logis.org à la rubrique « carnet de route » et sur facebook « ecologis.project ».

Silence existe grâce à vous !

Cet article a été initialement publié dans la revue papier. C'est grâce à vos abonnements et à la vente de la revue que nous pouvons continuer à proposer des alternatives à la société consumériste et destructrice actuelle. Sans publicité, sous forme associative, notre indépendance et notre pérennité dépendent de votre engagement humain et financier !

S'abonner Faire un don Participer