Article Brève EPR Nucléaire

Et si l’EPR ne démarrait jamais ?

Michel Bernard

Quatre ans après l’accident de Fukushima, la multinationale Areva est au bord de la faillite. L’abandon de l’EPR, ruineux, est maintenant à l’ordre du jour.

Le décret de création de l’EPR fixe une date limite pour la mise en fonctionnement du réacteur : le 10 avril 2017. Au-delà de cette date, on entre dans un flou juridique total. Il faudrait des dérogations à la loi pour maintenir le démarrage du réacteur.
Normalement, cela laissait de la marge puisqu’initialement ce chantier lancé en 2004 devait être terminé en 2012. Mais ce n’est pas fait. Le 18 novembre 2014, EDF a annoncé encore de sérieux retards qui reportent le démarrage à « 2017 ». Alors que le budget initial a déjà été multiplié par trois, EDF annonce une nouvelle série de surcoûts. EDF met ce nouveau retard sur des défauts constatés sur des pièces majeures livrées par Areva (couvercle et structure interne de la cuve). Areva, le même jour, sans faire de lien direct, a annoncé qu’il renonçait à des objectifs financiers pour 2014 et suspendait ses perspectives financières pour les deux ans à venir. L’ASN, autorité de sûreté nucléaire est manifestement inquiète et a demandé à Areva de pouvoir se rendre sur le site du chantier d’EPR à Olkiluoto (Finlande) pour des vérifications.
En Finlande, la compagnie électrique TVO a publié fin octobre 2014 un nouveau calendrier de mise en route de l’EPR. Celui-ci devrait commencer à produire de l’électricité seulement fin 2018. En 2005, Areva avait annoncé pouvoir le mettre en route début 2009 ! TVO et Areva sont actuellement en procès pour savoir qui doit payer les énormes dépassements de coûts de cette construction : il y a 3,5 milliards d’euros en jeu.

Areva refuse de voir que le nucléaire est mort

Rappelons que cela n’a rien de surprenant : la Cour des comptes avait publié le 13 mai 2014 un pré-rapport sur le fonctionnement d’Areva entre 2006 et 2012. Ce rapport montre que la politique volontariste d’Areva pour essayer de maintenir l’activité nucléaire se paie très cher : malgré une augmentation de capital de 935 millions et la vente de 7,5 milliards d’actifs, l’endettement s’est accru sur cette période de 3,1 milliards. Soit une perte de trésorerie sur 6 ans de 9,6 milliards. Ces pertes sont dues en partie à l’affaire UraMin : Areva a racheté en 2007 cette société qui détenait des gisements d’uranium en Afrique, à un prix excessif. Elles sont aussi dues aux déboires des EPR en construction en Finlande et à Flamanville. Et enfin au fait qu’Areva a investi dans des usines qui devaient accompagner une relance du nucléaire. Celle-ci espérée n’a pas vu le jour ni avant, ni après l’accident de Fukushima. La Cour des comptes conclut que la direction d’Areva a une vision trop optimiste du marché nucléaire et s’interroge sur le rôle du principal actionnaire : l’État.
Sur la seule journée du 19 novembre 2014, l’action d’Areva à la Bourse de Paris plongeait de 18,9%. Elle a baissé de 50 % sur l’année. Dans Challenges du même jour, le nouveau patron d’Areva, Philippe Varin, avoue, qu’il est envisagé la possibilité d’abandonner la filière EPR.
Début décembre 2014, les syndicats alertent sur les départs de plus en plus nombreux des ingénieurs de haut niveau, mettant en péril le niveau de compétence de l’entreprise. Sur le Titanic du nucléaire, notre gouvernement continue à danser…

Michel Bernard

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